Comme si l’âme du maître de la gastronomie française hantait les couloirs de son ancienne demeure familiale, reconvertie aujourd’hui en musée. On découvre en arrivant une authentique maison de village du XVIIIe siècle imposante de charme et chargée de souvenirs familiaux, à l’intérieur un parcours sur sa vie et son œuvre.
En partant du pôle culturel dans le quartier des plans, un chemin de traverse conduit sur les pas d’Auguste Escoffier jusqu’aux berges du loup et mène dans une ruelle du centre historique où se situe le Musée de l’Art Culinaire.
De la ferronnerie à la gastronomie
Auguste Escoffier, fils d'un maréchal-ferrant, né en 1846 à Villeneuve Loubet, voulut d'abord être ferronnier avant d'être placé à l’âge de douze ans comme marmiton au « Restaurant Français » de son oncle à Nice.
Aujourd’hui, le maître est un artiste internationalement reconnu pour son impact sur la création de menus modernes et pour ses compositions gastronomiques d’un genre nouveau, qui bouleversa les plus grandes tables. Témoin de l’influence des femmes à travers l’art culinaire sous de célèbres mets.
Derrière la pêche Melba ; en l’honneur de la cantatrice Nelly Melba pour la remercier du plaisir qu'il a eu à entendre sa voix à l'Opéra de Covent Garden, se cache le nom du grand chef, Auguste Escoffier.
Le roi des cuisiniers, le cuisinier des rois
Le commencement d’une carrière internationale de 60 ans, qui le portera au sommet du monde de la gastronomie, il en sera le maître. A l’âge de 38 ans avec son compagnon de route César Ritz, ils développeront l’hôtellerie de luxe et la grande cuisine française, de Monaco à Londres en passant par New York et Paris pour ouvrir le Ritz, en 1898. Il sera l’auteur de plusieurs ouvrages et articles, son guide culinaire avec plus de 5000 recettes, « les bases de la recette moderne », revêt un caractère incontournable selon les grands chefs actuels.
Celui qui fut indubitablement la plus grande toque de son temps, premier cuisinier Officier de la Légion d’honneur et ami de César Ritz. Restaurateur et auteur culinaire, il inventa le concept même de brigade de cuisine, codifia la cuisine française et la fit connaître au-delà de nos frontières.
La fondation en héritage
Après qu’il se soit éteint en 1935 à l’âge de 89 ans, deux de ses plus proches collaborateurs proposent à Joseph Donon disciple d’Auguste Escoffier de créer un musée en mémoire du maître. Le petit fils Escoffier cédera gracieusement la maison, le Musée d’Art Culinaire sera inauguré le 2 mai 1966.
Rien ne prédestinait le président de la fondation Michel Escoffier, arrière-petit-fils à devenir le porte-parole de son ancêtre, « aujourd’hui, je souhaite positionner la Fondation comme un référent en matière de formation et de communication sur l’art culinaire », témoigne Michel. Son objectif ; transmettre aux jeunes l’héritage d’Auguste Escoffier en faisant ressortir son côté humaniste.
Balade dans la maison natale
À travers l’histoire que nous content les salles du musée, le promeneur découvre celui que l'on surnomme le « roi des cuisiniers et cuisinier des rois ».
À l’intérieur, le temps s’est figé. Au fil des pièces la maison révèle la belle âme habitée de l’artiste et l’environnement dans lequel il a commencé un travail passionnel. Les curieux auront la possibilité de voyager à travers la vie de ce pionnier de la gastronomie française, en le suivant à travers les étapes de son existence.
Comment Escoffier s’est-il formé à la cuisine ? Quels ont été ses influences, ses maîtres à penser, ses lectures ? En quoi ses amis et ses centres d’intérêt ont joué un rôle dans son épanouissement ?
Le visiteur part à la rencontre d’un homme et de sa poésie à travers un parcours original qui lui permet de découvrir le musée à son rythme, de s’imprégner de l’univers du grand chef. Tout en déambulant dans les différents espaces, on saisit les portraits du cuisinier et de son élève Joseph Dondon fondateur du musée, un fourneau des années 50 les unis à leur art.
Plus loin, un énorme tournebroche avec un étrange système de poulie, au-dessus sont exposés des moules à gâteaux à chocolat en cuivre. « Escoffier enfant s’émerveillait devant les préparations de sa grand-mère », précise l’arrière-petit-fils.
Une représentation murale fait découvrir les cuisines de la belle époque d’un grand restaurant parisien.
Le bureau d’Auguste Escoffier se trouve là où il est né, il plonge le visiteur dans ses souvenirs personnels tous rassemblés dans cette pièce. Quelques marches plus haut, une porte de verre s’ouvre sur des effluves de chocolat.
La salle est d’une fraîcheur agréable, des œuvres toutes aussi belles les unes que les autres faites de chocolat offertes par des artistes pâtissiers azuréens y sont exposées en permanences.
Le parcours permet de découvrir une collection d’insolites menus, certains sont imprimés sur de la soie, d’autres calligraphiés sur des dessins d’artistes ; un imposant mannequin couture dévoile une robe faite de menus, à côté une collection de dessins humoristiques, des chefs-d’œuvre en hommage aux dessinateurs de presse gastronomes de l’époque.
La salle des trophées
Un espace du musée est consacré aux grands chefs étoilés du 20e siècle, près de la vitrine des Bocuse d’or, un interrupteur au pied d’une maquette du célèbre restaurant Maxim’s donne vie aux tables et à la scène.
L’idée phare n’est plus simplement de proposer un lieu de mémoire sur ce personnage central de la grande restauration, mais d’offrir aux visiteurs une expérience de visite muséale, qui reviendrait bien sûr sur Auguste Escoffier en tant qu’homme et également sur la genèse de son œuvre et son talent artistique.
« Ce musée est l’unique musée de l’art culinaire en France, il fête cette année son 50e anniversaire, au moment où nous célébrons également le 170e anniversaire d’Auguste Escoffier », révèle le conservateur Richard Duvauchelle.
Le musée de l’Art Culinaire de Villeneuve Loubet a été labélisé « Maison des illustres », par le ministère de la Culture et de la Communication, 212 maisons son labellisées. Elles conservent et transmettent la mémoire de femmes et d’hommes qui se sont illustrés dans l’histoire politique, sociale et culturelle de la France.
A.AZDINE