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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 20:11

algerie-manifestations.jpg

 

Photo: AFP/STR

Manifestation à Alger le 22 janvier 2011


 

Le gouvernement algérien a affirmé, mercredi, que l'opposition serait tenue responsable si la manifestation pro-démocratie prévue la semaine prochaine tourne à la violence.

Des dirigeants de l'opposition, des groupes de défense des droits de la personne, des syndicats, des étudiants et des chômeurs prévoient manifester le 12 février dans la capitale, Alger. Ils veulent que le gouvernement lève l'état d'urgence en vigueur depuis 1992, mette fin à l'interdiction de créer de nouveaux partis politiques et soit plus transparent dans son ensemble.

Mais le vice-premier ministre Noureddine Yazid Zerhouni a rappelé mercredi aux organisateurs que la marche était « officiellement interdite ». « Ceux qui appellent à cette marche devront prendre la responsabilité des dommages ou des dérapages », a dit M. Zerhouni aux journalistes, ajoutant que le gouvernement n'avait aucune intention de lever l'état d'urgence.

Comme plusieurs autres pays du monde arabe, l'Algérie, un pays de 35 millions d'habitants, est sur la corde raide alors qu'une vague de soulèvements populaires traverse la région.

Des émeutes ont éclaté le mois dernier dans le pays après une hausse subite des prix de la nourriture, faisant deux morts. Au moins dix Algériens se sont par ailleurs immolés par le feu au cours des dernières semaines et deux en sont morts.

Le 22 janvier, la police anti-émeute a affronté des manifestants armés de pierres qui tentaient de défier l'interdiction de manifester et de tenir des rassemblements publics en vigueur dans le pays. Les manifestants ont réclamé le départ du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999.

Mais le mécontentement couve en Algérie : le manque de logement et la pauvreté sont répandus, bien que le pays soit un important exportateur d'hydrocarbures. Des militants affirment que les autorités du pays détournent les profits générés par les exportations à des fins personnelles plutôt que de les investir dans l'économie et la création d'emplois.

L'état d'urgence a été imposé en réaction à l'insurrection islamiste. Mais les groupes d'opposition, qui soulignent que les violences sont maintenant sporadiques, estiment que les autorités se servent de cette loi comme prétexte pour interdire toutes les manifestations politiques.

Associated Press

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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 14:02

le million d'égyptiens

Le Caire, 1er février 2011. Un million de manifestants sont attendus aujourd’hui dans les rues du Caire et des grandes villes d’Egypte. L’appel est passé sans Internet, sans SMS. Au Caire, à 11h15 nous sommes déjà entre 300 000 et 500 000 personnes selon la BBC.
Les produits de base se font rares. Les supermarchés ont été quasiment vidés de leurs stocks. Les banques sont fermées, la plupart des magasins aussi et rares sont ceux qui gagnent leur pain quotidien.

La rue, pourtant, ne désemplit pas, et se remplit au contraire davantage. Hier, 31 janvier, la place Tahrir, au centre-ville du Caire, était noire de monde. Une estimation circule : 100 000 personnes.

Les voix sont cassées. Ceux qui se servent d’un mégaphone se comptent sur les doigts de la main. Des manifestants ont élu domicile sur la pelouse centrale de la place Tahrir, inondée par un fichu robinet qui ne cesse de couler. Sur une petite tente minuscule on peut lire une pancarte: Hôtel de la liberté. Photos, éclats de rire. Des volontaires ramassent les ordures, balaient, distribuent de l’eau et de la nourriture.

L’humour est au rendez-vous de façon écrasante. Les slogans scandés, les pancartes et les banderoles suscitent l’hilarité. Un enfant tient à bout de bras une pancarte s’adressant à Moubarak: Allez quoi, dégage, j’ai super mal au bras. Un homme passe imperturbable. Il a la voix et la diction de Louis Jouvet : Nettoyez votre pays, jetez vos Moubaraks. Nettoyez votre pays, jetez vos Moubaraks. D’autres messages sont moins comiques. En milieu de journée une pancarte choc fait son apparition. On y voit Moubarak avec la coiffure et la moustache d’Adolf Hitler. La foule scande : Hitler le voilà ! Hitler le voilà !

Les messages d’unité populaire continuent de nourrir les discours. C’est une révolution populaire indépendante de tout parti, de toute religion, de tout mouvement. Un homme habillé d’une sorte de tablier blanc avec un bandeau sur la tête (façon jihad islamique) fait son apparition. Son passage glace les personnes autour de moi qui le suivent du regard. A l’heure de la prière des centaines de manifestants se recueillent. Les slogans et les darboukas reprennent sitôt après.

En ce 31 janvier, toute la société est représentée dans sa grande diversité. Les enfants, les familles, les étudiants, les barbus, les glabres, les gauchos, les voilées, les pas voilées, les bourgeois, les nassériens, les communistes, les laïques, les activistes.

Vers 1h00 du matin, on apprend une information majeure : l’armée égyptienne déclare solennellement qu’elle ne tirera pas sur les manifestants pendant la marche du 1er février. Tout le monde comprend, que pour Hosni Moubarak, c’est terminé. La réaction internationale est immédiate. Changement radical du discours. Deux ex-ambassadeurs américains en poste à Tel Aviv et au Caire s’expriment à la BBC World: Moubarak has to step down. Dans la langue de Sarkozy: casse-toi pov con.

La suite bientôt.

Propos recueillis par téléphone par Aya Wassef

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28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 19:59

le-caire.jpg

 

Suez, théâtre de véritables scènes de guérilla urbaine ce jeudi 27 janvier.

Les manifestations contre le régime Moubarak, sans précédent depuis plus de trente ans, se multiplient en Egypte. Ce jeudi, la ville de Suez a pris les allures d’un champ de bataille, avec de très violents affrontements entre police et protestataires, et l’attaque de bâtiments administratifs aux cocktails molotov. Le pouvoir a averti cette nuit qu’il allait prendre «des mesures décisives» contre les manifestants qui comptent protester de nouveau vendredi.
Les jeunes militants pro-démocratie à l’origine du mouvement, inspiré par la révolte tunisienne, ont appelé à de nouvelles manifestations «de la colère» dans plusieurs villes du pays après les prières hebdomadaires. Depuis mardi, sept personnes sont décédées, cinq manifestants et deux policiers, et des dizaines ont été blessées. Au moins mille manifestants ont été interpellés. 

L’opposant Mohamed ElBaradei, de retour au Caire, appelle le président Moubarak à se retirer du pouvoir et se dit prêt assurer l’intérim si la rue égyptienne le lui demande

23h50. Le ministère égyptien de l’Intérieur annonce «des mesures décisives» contre les manifestants qui comptent protester de nouveau vendredi contre le pouvoir du président Hosni Moubarak. «Le ministère de l’Intérieur renouvelle sa mise en garde contre de telles actions et affirme que des mesures décisives seront prises pour y faire face, en conformité avec la loi», indique un communiqué.

23h25. Les Frères musulmans, première force d’opposition en Egypte, ont annoncé leur participation au «vendredi de la colère», des manifestations prévues contre le régime du président Hosni Moubarak. Ils avaient jusqu’ici appuyé du bout des lèvres le mouvement de contestation qui a commencé mardi en Egypte, laissant à leurs membres le choix d’y participer sans toutefois s’y engager officiellement.

22h40. En perspective des manifestations de vendredi, des tracts anonymes ont été distribués au Caire donnant la marche à suivre. Intitulé «long live Egypt», longue vie à l’Egypte, le tract appelle les manifestants à apporter des roses et non des bannières, et à marcher vers les bâtiments officiels en tentant de persuader policiers et soldats de se joindre à eux.

22h25. Selon le journaliste américain de NBC, Richard Engen, qui cite la police égyptienne, 87 policiers ont été blessés à Suez jeudi. Le journaliste évoque également un mort sur son compte Twitter. Sur le site de micro-blogging, plusieurs internautes indiquent que des bâtiments sont en feu dans la ville, notamment l’hôtel de ville et le siège local du parti d’Hosni Moubarak.

22h10. Deux tirs de roquettes ont visé la police jeudi soir dans le Sinaï égyptien, là où un jeune homme a trouvé la mort, mortellement atteint d’une balle en pleine tête, mais ont raté leur cible, selon des témoins. Les roquettes antichars de type RPG ont été tirées à cheikh Zouwayed, ville du Sinaï habitée principalement par des bédouins armés qui réclament depuis des années la libération de plusieurs des leurs, détenus sans avoir été jugés.

20h58. Pour Barack Obama, la violence n’est pas une solution en Egypte. C’est ce qu’a affirmé le président des Etats-Unis dans un entretien diffusé sur le site de partage de vidéos YouTube. Il a appelé le gouvernement et les manifestants à faire preuve de retenue.

20h05. Les affrontements se poursuivent dans les rues de Suez où les manifestants jettent des cocktails molotov sur les forces de l’ordre qui répliquent à coups de balles en caoutchouc. Sur Twitter, certains évoquent des tirs à balles réelles.

19h30. La Maison-Blanche a appelé jeudi tant le gouvernement que les manifestants en Egypte à éviter la violence. «Le gouvernement a l’obligation de ne pas avoir recours à la violence», a déclaré le porte-parole de Barack Obama, Robert Gibbs. Mais, a-t-il souligné, «ceux qui protestent ont (eux aussi) l’obligation de ne pas avoir recours à la violence», notamment en brûlant des bâtiments officiels. Tout en qualifiant le président Hosni Moubarak de «partenaire important» des Etats-Unis, le porte-parole a affirmé jeudi à plusieurs reprises que les Etats-Unis «ne prennent pas parti» dans l’actuelle vague de protestations.

18h25. L’opposant Mohamed ElBaradei est arrivé à l’aéroport du Caire afin de participer aux manifestations contre le président Hosni Moubarak. En provenance de Vienne, il a appelé le chef d’Etat à quitter le pouvoir. L’ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), est devenu une figure de proue de l’opposition égyptienne.
18h15. A la veille de grands rassemblements, le parti au pouvoir en Egypte se dit ouvert jeudi au dialogue avec la jeunesse. Les manifestations «ont été pacifiques dès le début, la belle jeunesse, brandissant des drapeaux égyptiens, s’est exprimée de façon respectée et civilisée», a déclaré Safwat al-Chérif, secrétaire général du Parti national démocratique (PND, au pouvoir).

17h59. Selon la chaîne de télévision Al Jazeera, 300 personnes seraient détenues à Suez où des témoins font état d’échanges de coups de feu entre forces de l’ordre et protestataires.

17h35.«La situation en Egypte est sans commune mesure avec la Tunisie», note Georges Colson, président du syndicat national des agents de voyage (Snav) dont le congrès s’achève à Louxor, «où il ne se passe rien comme dans les stations balnéaires» de la Mer Rouge. «On va suivre la situation avec beaucoup d’attention mais pour l’instant on n’enregistre pas d’annulations», a -t-il déclaré à l’AFP. Les Français sont 600 000 par an à se rendre en Egypte.

17h10. A Vienne, en Autriche, où il se trouve, Mohamed ElBaradei estime qu’il est temps pour le président Moubarak de se retirer. «Il a servi le pays pendant  30 ans, le moment est venu pour lui de se retirer», a-t-il déclaré. Il propose, selon la chaîne Al Arabia, d’assurer son intérim si la rue égyptienne le lui demande.

16h48. Justifiant la «fermeté» de la police à Suez, le porte parole du gouvernement égyptien, Magdy Rady, estime qu’elle «garde un maximum de retenue, mais lorsque se produisent des moyens d’expression illégitimes ou des destructions, elle intervient».

16h35. Un manifestant a été tué par la police lors d’accrochages dans la localité de Cheikh Zouwayed, dans le nord du Sinaï, selon des témoins. Le jeune homme aurait été mortellement atteint d’une balle dans la tête lors d’un échange de tirs entre des manifestants bédouins et les forces de sécurité, selon l’AFP. Ce nouveau décès porte à sept le nombre de morts depuis mardi.

15h41. Une caserne de pompier en feu. A Suez, où des affrontements ont lieu depuis le milieu de journée entre protestataires et forces de l’ordre, des manifestants ont mis le feu à une caserne de pompiers après avoir lancé des cocktails molotov sur la police, a constaté un photographe de l’AFP.

15h25. La Syrie espère que «la raison prévaudra» en Egypte, a indiqué le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem. «Nous suivons, comme vous, ce qui se passe à Tunis et en Egypte. Nous regrettons que des victimes soient tombées parmi le peuple et la police égyptiens», a-t-il dit lors d’une conférence de presse avec son homologue britannique William Hague.

15h10. La chef de la diplomatie de l’Union Européenne, Catherine Ashton, a appelé les autorités égyptiennes à «respecter» le droit de leurs citoyens à manifester pacifiquement pour défendre leurs droits. «La liberté d’expression et le droit de se réunir pacifiquement sont des droits fondamentaux de tout être humain», a-t-elle déclaré.

14h24. Des accrochages opposent plusieurs centaines de manifestants aux forces de l’ordre dans les villes d’Ismaïliya et Suez. A Ismaïliya, des témoins font état de tirs de gaz lacrymogène des services de sécurité qui tentent de disperser les manifestants qui ripostent par des jets de pierres. Une dizaine de personnes ont été arrêtées avant le début de la manifestation. A Suez, les policiers anti-émeute ont eu recours aux gaz lacrymogènes, aux balles caoutchoutées et aux canons à eau pour disperser plusieurs centaines de manifestants rassemblés devant un poste de police pour réclamer la libération des personnes arrêtées mardi et mercredi.

14 heures. L’opposant Mohamed ElBaradei se dit prêt à «mener la transition» politique en Egypte. L’ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), connu pour s’être rendu en Iran inspecter des installations, rentre ce soir au Caire afin de «s’assurer que tout se passe de manière pacifique et régulière». «J’appelle de nouveau le régime à comprendre qu’il ferait mieux d’écouter, de ne pas utiliser la violence et de comprendre que le changement doit arriver, il n’y a pas d’autre option», a ajouté le prix Nobel de la paix.

13 heures. Paris appelle l’Egypte à respecter la liberté d’expression. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Bernard Valero, lors d’un point presse, a affirmé que la France restait attentive «au sort des centaines de personnes arrêtées à la suite des manifestations des derniers jours».

12h27. Mohamed El Baradei rentre pour participer aux manifestations de vendredi, selon son frère.

10h34. Les échanges à la bourse du Caire sont suspendus jusqu’à 11h30. Les cours se sont effondrés de plus de 6%.

10h10. L’opposant égyptien Mohamed El Baradei, l’un des principaux soutiens des manifestations anti-gouvernementales, annonce son retour en Egypte dès ce jeudi soir de Vienne (Autriche).

10 heures. Un nouvel appel à manifester aujourd’hui lancé sur Facebook. Le «Mouvement du 6 avril», à la tête des manifestations pro-démocratie qui se déroulent en Egypte depuis mardi, qui appelait hier à descendre dans la rue vendredi après la prière, ne veut pas relâcher la pression. «Jeudi ne sera pas un jour de vacances, les actions dans la rue vont se poursuivre», est-il écrit.

9h10. Les autorités égyptiennes annoncent avoir interpellé un millier de personnes ces deux derniers jours.

  | AFP/KHALED DESOUKI

 

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28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 19:53

La révolution du jasmin en Tunisie n’a sans doute pas encore livré tous ses secrets ni accouché de toutes ses promesses. Mais d’ores et déjà, tous les analystes sont unanimes pour s’accorder à prévoir une onde de choc de cette révolution dans lemonde arabe. La sur-médiatisation d’un évènement de cette ampleur ne saurait laisser indifférents les peuples de la région qui sont confrontés aux abus quotidiens d’un régime politique quasi-identique par-delà les différences de forme et de degré.

Si l’aspiration populaire au changement démocratique dans le monde arabe estlégitime et indiscutable comme l’illustrent les nombreuses réactions de l’opinion publique arabe au lendemain de la chute du dictateur tunisien, de nombreusesquestions demeurent posées et nécessitent des réflexions sérieuses si on veut que le changement politique qu’appelle tôt ou tard l’histoire soit à la hauteur des attentes populaires.

Le scénario tunisien est-il exportable ?
Dans une région où les énormes sacrifices des populations déjà éprouvées par la
misère et la terreur n’ont suffi ni à endiguer l’invasion et l’occupation étrangères
ni à empêcher la reconduction de régimes autoritaires et corrompus, la révolution du
jasmin a de quoi séduire. Si les dizaines de victimes de la répression sont à
déplorer, il n’en demeure pas moins que le changement en Tunisie –qui n’a pas encore
livré tous ses fruits- a été relativement pacifique et c’est peut-être une de ses
plus belles leçons. Cependant, cet aspect, si important, ne doit pas occulter les
particularités historiques du processus de changement à l’œuvre en Tunisie.

Pour comprendre ce qui s’est passé en Tunisie et évaluer les similitudes et les
différences avec la situation qui prévaut dans d’autres pays arabes, il est
important de rappeler quelques éléments structurels :

1. Le régime maffieux du clan Ben Ali et de sa belle-famille, s’il a constitué la
partie la plus visible et la plus hideuse du système n’en a pas moins contribué à
l’affaiblissement de la base sociale de ce dernier y compris au sein de la
bourgeoisie et de la bureaucratie tunisienne comme l’illustre la facilité avec
laquelle le dictateur a perdu la confiance de ses généraux ;

2. Bien avant le soulèvement populaire, et comme l’ont si bien illustré les fuites
de Wikileaks, les Américains ont montré qu’ils étaient excédés par les pratiques
maffieuses du clan Ben Ali qui ont fini par constituer un facteur de mécontentement
au sein des élites et donc un facteur d’instabilité politique et c’est ce qui
explique la facilité avec laquelle les Américains ont lâché le régime de Ben Ali dès
qu’ils se sont convaincus de la détermination du peuple tunisien ;

3. Mais les Américains ne sont pas fous. S’il est clair aujourd’hui que leur
attitude, discrète mais efficace, a pesé lourdement dans la neutralité des chefs de
l’armée, ce n’est certainement pas pour des raisons idéologiques ni pour les beaux
yeux du peuple tunisien. La diplomatie américaine a pu, sans grand risque, jouer la
carte du changement démocratique parce que ses contacts sur place ont fini par la
convaincre qu’il existe des élites bourgeoises capables de négocier ce tournant au
mieux de leurs intérêts communs. Il faut ajouter à cela le fait que la Tunisie, par
sa pauvreté en matières premières et énergétiques et par son éloignement
géographique de l’Etat d’Israël, ne bénéficie pas d’un statut stratégique dans
l’architecture régionale de la diplomatie américaine ;

4. Le rappel du rôle actif joué par la diplomatie américaine dans le changement en
Tunisie ne doit pas servir de caution à la fameuse théorie du complot ni à minimiser
le rôle joué par l’insurrection du peuple tunisien. Si le changement a été possible
et rapide, c’est aussi parce que la société tunisienne renferme des ingrédients
sociaux et politiques favorables au changement démocratique mais aussi des élites
capables, par delà leur diversité, de porter ce changement. Ce n’est pas un hasard
si dès le début du soulèvement populaire, les robes noires et les blouses blanches
ont été aux côtés de leur peuple et ont courageusement accompagné son mouvement
insurrectionnel.

La maturité politique des élites tunisiennes et leur capacité à s’opposer au pouvoir
n’est pas le fruit du hasard mais relève de facteurs sociologiques et historiques
autrement plus puissants. Le modèle de développement tunisien, malgré les limites
dues à son caractère de classes et sa dépendance, a été basé sur l’exploitation
maximale des ressources du pays, à commencer par la ressource-travail. Cet élément
capital ne peut que conforter le travail et le sérieux dans la reconfiguration du
rapport social à la richesse et à l’autorité. Le fait de compter sur le tourisme,
l’agriculture d’exportation et l’industrie de la sous-traitance, s’il ne manque pas
d’engendrer des méfaits sociaux connus et dénoncés à juste titre, a permis de mettre
au premier plan les valeurs du travail, de la discipline et de l’ouverture d’esprit,
lesquelles ont contribué à façonner des élites et des mentalités aptes à concevoir
un changement démocratique. Ce dernier ne résoudra sans doute pas tous les problèmes
de société d’un pays comme la Tunisie. Le développement durable et solidaire
qu’appelle de tous ses vœux le peuple tunisien n’est peut-être pas encore à l’ordre
du jour mais si les élites tunisiennes arrivent à instaurer un Etat de droit
démocratique, ce serait déjà une révolution dans ce pays, la première révolution
vraiment démocratique dans le monde arabe. Il reste à savoir si tous ces éléments
sociopolitiques se retrouvent dans les autres pays arabes pour pouvoir répondre à la
question : le scénario tunisien est-il exportable ?

Egypte et Jordanie
L’onde de choc de la révolution tunisienne dans les autres pays reste le principal
sujet de préoccupation des chancelleries occidentales. La réaction israélienne,
rapide et épidermique, nous renseigne sur la dimension géopolitique du changement
démocratique dans le monde arabe. Comme leurs porte-parole dans l’hexagone, les
diplomates israéliens n’ont pas hésité à regretter la chute du régime de Ben Ali et
à pointer du doigt la « menace islamiste ». Inutile de dire que ce qui les inquiète
en Tunisie ne peut que les empêcher de dormir quand il s’agit de pays
géographiquement plus proches comme l’Egypte et la Jordanie.

Ces deux pays ne partagent pas seulement la proximité géographique avec l’Etat
d’Israël. Tous les deux ont fait une « paix séparée » avec l’Etat hébreu. Tous les
deux sont dirigés par des régimes autoritaires et répressifs qui se perpétuent grâce
au soutien actif, financier, politique et militaire des USA. Tous les deux mènent
une politique économique et sociale libérale dictée par les institutions financières
internationales et qui sert surtout les intérêts étroits d’une bourgeoisie
compradore incapable d’assurer un minimum de vie digne aux populations.

Dans les deux pays, la doctrine de la « sécurité nationale » sert de prétexte pour
museler les libertés de la société civile et l’opposition politique même s’il y a
des différences notables entre les deux pays. En Jordanie, il y a une vie
parlementaire limitée et une relative liberté de presse. L’opposition nationaliste
et islamiste est représentée au parlement. Le Front d’action islamique (vitrine
politique des Frères musulmans) participe aux élections et est représenté au
parlement mais tous ces aspects ne peuvent cacher le fait qu’il s’agit d’une
démocratie sous contrôle. La spécificité démographique du pays qui compte une
majorité de la population d’origine palestinienne (60% environ) ne saurait laisser
indifférent ni le régime ni le voisin israélien ni l’Administration américaine.

En Egypte, le caractère autocratique du régime Moubarak ressemble à celui du
dictateur tunisien déchu. Les notes diplomatiques publiées par Wikileaks ne s’y
trompent pas. Les commentaires concernant les deux pays se ressemblent fort. Dans
les deux cas, il s’agit d’une famille qui rançonne le pays par des pratiques
maffieuses et qui a des ramifications au sein d’une bourgeoisie affairiste sans
scrupules. Les chefs de l’armée et des services de renseignement ne semblent pas
enchantés par la perspective d’une reproduction familiale du pouvoir au moyen d’une
« élection » arrangée de Jamal Moubarak et ce fait ne saurait échapper à l’attention
vigilante des Américains.

Si le fils Moubarak semble bénéficier du soutien de quelques grandes familles du
business comme Sawiris (le patron du groupe ORASCOM) et Al Izz (le premier magnat de
la sidérurgie au Moyen Orient) en vue de réaliser ses ambitions présidentielles, il
n’est pas dit que l’ensemble de la bourgeoisie égyptienne soit du même avis surtout
les fractions lésées par les pratiques monopolistiques et maffieuses des magnats qui
ont fait main basse sur l’Egypte. Si une partie de la bourgeoisie égyptienne ne peut
que se sentir à l’étroit dans le régime étouffant des Moubarak, les choses sont
encore plus nettes au sein des élites de la société civile dont les frustrations
accumulées tout au long de ces trente dernières années constituent le meilleur
argument pour un changement démocratique.

Les manifestations qui ont eu lieu le 25 janvier dans une dizaine de villes et qui
ont rassemblé une centaine de milliers de personnes à l’appel de réseaux sociaux de
la société civile illustrent parfaitement cette tendance avec laquelle il faut
désormais compter. Le mouvement spontané de contestation sociale du régime Moubarak
et qui a sur faire le lien entre les questions sociales et la question du changement
démocratique saura-t-il durer dans le temps et saura-t-il accoucher d’une révolution
démocratique comme en Tunisie ?

Si en Tunisie le soulèvement populaire a pu constituer l’étincelle de l’ébranlement
des élites tunisiennes et du retournement opportuniste de la diplomatie américaine,
toutes deux prêtes pour un changement démocratique – du moins un changement
contrôlé- il n’en va de même en Egypte qui reste un des piliers de l’ordre régional
made in USA. Les Américains regarderont par deux fois avant de donner leur aval au
changement. Les enjeux géopolitiques priment ici sur les enjeux sociopolitiques
internes. Contrairement aux idées reçues, la diplomatie américaine est loin d’être
un adepte de l’immobilisme à tout prix. Un régime aussi caricatural peut même
constituer un danger à long terme pour ses intérêts stratégiques. C’est pourquoi
elle pourrait s’adapter à un changement démocratique pour autant que ce dernier ne
vienne pas à mettre par terre son projet de pax americana dans la région.

Dans ces conditions, que reste-t-il comme perspectives de changement en Egypte et en
Jordanie ? Les Israéliens

l’ont dit explicitement. Si un triomphe peu probable des islamistes en Tunisie les
dérange, imaginons ce qu’il en serait en Egypte ou en Jordanie. Les dernières
déclarations de dirigeants israéliens nous renseignent sur la ligne rouge que le
changement démocratique dans ces pays ne saurait franchir. Pour le premier ministre
israélien, le triomphe des islamistes en Egypte signifierait la fin du traité de
paix de Camp David, pas moins ! En langage diplomatique, c’est une déclaration de
guerre qui n’ose pas dire son nom !

Si le changement démocratique et social qui correspond aux aspirations profondes des
peuples égyptien et jordanien ne saurait être déconnecté des enjeux géopolitiques
régionaux au premier rang desquels il faut mettre l’existence de l’Etat colonial
d’Israël, ce qui demeure une perspective lointaine, cela signifie-t-il que ces
sociétés sont condamnées à l’immobilisme et à l’arbitraire des régimes en place ?
Non, de nombreux indices militent en faveur d’un changement, peut-être plus modeste
que celui nous souhaitons, mais un changement quand même ! La révolution tunisienne
ne pourra que favoriser les perspectives d’un changement plus que probable.

En Egypte, la perspective de voir le régime se perpétuer par l’entremise d’une «élection » arrangée de Jamal Moubarak ne va pas de soi surtout qu’elle ne rencontre les faveurs ni des chefs de l’armée ni des élites égyptiennes. Si la diplomatie américaine sera ici plus prudente que dans le cas tunisien où les enjeux étaient moins cruciaux, cela ne veut pas dire qu’elle bloquera tout changement si le peuple égyptien descendait dans la rue avec le soutien des élites de la société civile (médecins, avocats, ingénieurs, enseignants et étudiants). L’inconnue majeure reste la capacité des forces du changement en Egypte à négocier ce délicat tournant en faisant la synthèse des aspirations populaires minimales à la liberté et à la dignité et les assurances diplomatiques que les contraintes stratégiques devraient leur dicter dans leurs rapports avec la puissance américaine.

Il n’y va pas seulement des perspectives de changement. Il y va aussi de la sécurité et de la paix civile en Egypte. Si le peuple égyptien n’est pas assez fort pourimposer la solution nationale qui sied à ses aspirations historiques profondes laquelle demande un contexte national, régional et international autrement plus favorable mais si en même temps il se laisse entraîner par des aventuriers verbeux et inefficaces, le risque serait grand de voir des puissances hostiles manipuler la poudrière sociale et les différences confessionnelles pour semer le chaos et briser l’élan de redressement salvateur que tous les peuples arabes souhaitent au peuple égyptien.

Des indices politiques apparus ces derniers mois sur la scène égyptienne permettent de cultiver un optimisme mesuré. Après de longs mois de tergiversations, au demeurant compréhensibles, les Frères Musulmans égyptiens ont compris l’intérêt de se ranger derrière Mohamed Al Baradei qui représente sans aucun doute le candidat potentiel le plus crédible face au clan des Moubarak. Bénéficiant d’un crédit à l’intérieur dans les rangs de la bourgeoisie nationale, des élites et des chefs de l’armée, Al Baradei a aussi pour lui le fait de ne pas effrayer les Américains, ce qui n’est pas rien par les temps qui courent.

Les Frères musulmans égyptiens qui demandaient auparavant à Al Baradei de leur promettre un changement constitutionnel permettant la légalisation de leur mouvement sitôt arrivé au pouvoir ne font plus ce préalable et ont montré une grande maturité politique qui dénote aussi un sentiment patriotique élevé. La manifestation populaire du 25 janvier, qui augure de l’entrée fracassante de la société civile égyptienne, constituera-t-elle le catalyseur de ces tendances du changement démocratique qui travaillent en profondeur la société égyptienne ?

Malgré la similitude des situations égyptienne et tunisienne, le changement qui pourrait s’esquisser en Egypte ne pourra pas dépasser certaines limites imposées par le statut géopolitique de ce grand pays dans l’architecture impériale du grand Moyen Orient mais les perspectives en termes de développement et de démocratisation pourraient favoriser à long terme la renaissance tant attendue de l’Egypte et dont dépend pour une large part la réalisation de l’aspiration de tous les peuples de la région à une paix juste et durable qui passe par le rétablissement du peuple palestinien dans ses droits nationaux inaliénables.

C’est cette même prudence que dictent aussi bien la complexité géopolitique régionale que la maturité politique des élites qui explique les positions de l’opposition nationale et islamiste jordanienne qui sait que le fait de brusquer les choses peut parfois se retourner contre le changement souhaité.

Soudan
Dans le Soudan voisin, les agendas internationaux à caractère géopolitique ont prisde vitesse l’aspiration au changement démocratique du peuple soudanais. La manipulation israélo-occidentale de l’aspiration du su à l’autodétermination, à la liberté et au développement, a réussi, aidée en cela par l’irresponsabilité criminelle d’un pouvoir nordiste, sourd aux appels à la liberté, à la justice et à l’égalité des populations d’un sud marginalisé et méprisé. L’entêtement de tous les régimes soudanais qui se sont succédés depuis l’indépendance dans une politique anti-nationale et anti-démocratique a donné du grain à moudre à une opposition politico-militaire sudiste ouvertement soutenue par Israël dans le but géopolitique évident de renforcer la ceinture de sécurité des Etats africains hostiles à l’Egypte et capables le moment venu de jouer le rôle qui leur est dévolu : boucher les sources du Nil en vue d’assoiffer le peuple égyptien et contrarier son développement.

La perspective de la sécession du sud du Soudan est porteuse de tous les extrêmes.Elle peut accélérer la chute du régime du général Al Bachir comme elle pourrait renforcer la solidarité du nord autour du régime. Mais dans tous les cas de figure, outre les enseignements utiles pour d’autres pays arabes promis à des scénarios similaires par des officines actives, la question du changement démocratique restera à l’ordre du jour tant elle conditionne la capacité des sociétés à relever les défis d’une véritable indépendance nationale et d’un véritable développement durable et solidaire. Malgré l’autoritarisme du régime et la pauvreté du pays, le Soudan possède des élites civiles et politiques remarquables. Libérées du chantage au séparatisme du sud qui était utilisé par le régime pour les réprimer, elles constitueront désormais un catalyseur certain pour le changement souhaité.

Syrie
Dans la configuration géopolitique régionale, l’autre pays qui compte énormément pour Les USA et leur allié israélien reste bien entendu la Syrie. Le refus d’entrer dans une paix séparée, à l’instar de ses voisins égyptien et jordanien, et son entêtement à servir de refuge pour les organisations de la résistance palestinienne qui refusent de suivre l’Autorité de Mahmoud Abbas dans sa capitulation devant l’occupant, suffisent à mettre La Syrie sur la liste noire des régimes indésirables. Certes, en matière d’autoritarisme et de clientélisme, le régime baathiste syrien n’a rien à envier à ses pairs arabes. Comme la plupart des régimes de la région qui jouent la carte de la division ethnique et/ou confessionnelle, le régime syrien sait marier rhétorique nationaliste panarabe et politique clanique fondée notamment sur une alliance des minorités confessionnelles alaouite et chrétienne.

Les réformes économiques libérales initiées depuis plus d’une décennie ont réussi à amadouer une partie de la bourgeoisie commerciale des villes issue dans sa majorité de musulmans sunnites. Malgré leur hostilité affichée au régime, Américains et Israéliens n’ont pas dépassé, jusqu’ici, une certaine ligne rouge. Humilié au Liban lorsqu’il a été obligé de se retirer de ce pays dans le sillage d’une « révolution orange » soutenue ouvertement par la France et les USA, le régime syrien n’a pas été néanmoins déstabilisé outre mesure. Et pour cause. Les Américains n’ignorent pas que la principale force d’opposition organisée au régime baathiste est constituée par les Frères musulmans.

Si certains dirigeants des Frères ont leurs entrées au Congrès dans la perspectived’un compromis rendu inéluctable par des développements futurs, la diplomatie américaine ne peut parier sur un mouvement qui reste intraitable sur la question de la libération inconditionnelle du Golan et qui aurait du mal à convaincre sa base d’une paix séparée avec l’Etat d’Israël avant la résolution définitive de la question palestinienne. Reste l’autre perspective qui consiste à voir émerger un compromis historique entre le régime baathiste syrien et l’opposition islamiste sur la base d’un programme national-démocratique qui réponde à la fois aux aspirations populaires et aux exigences de la défense nationale contre les menaces israéliennes.

Cette perspective qui était impensable il y a quelques années est en train de gagner en réalisme à la faveur de la guerre d’invasion, d’occupation et de dislocation dont a été l’objet le voisin irakien qui a fait comprendre aux Syriens les dangers que font peser sur l’intégrité et l’unité nationales les différends internes qui tardent à trouver une solution démocratique.

Yémen
L’onde de choc de la révolution tunisienne est arrivée jusqu’au lointain Yémen où lapopulation est sortie manifester son soutien à ses frères tunisien et réclamer des réformes démocratiques. Mais la particularité de ce pays marquée par un développement sociopolitique inégal entre le nord et le sud du pays et son statut de maillon faible dans l’architecture géopolitique régionale qui le met sous haute surveillance américaine, ne permettent pas d’entrevoir un changement radical dans l’immédiat. Le pouvoir concentré au nord du pays ne s’appuie pas seulement sur une alliance entre une oligarchie militaire corrompue et des confédérations tribales mais aussi sur l’appui direct des Américains dans la guerre contre le terrorisme comme l’a illustré la répression sanglante de la révolte « houthite ».

Cette dernière, soutenue par l’Iran, a été matée dans le sang par l’intervention conjuguée de l’armée yéménite et de l’armée saoudienne avec la participation d’un contingent marocain, le tout sous l’œil approbateur du protecteur américain. Si au sud du pays, la contestation sociale contient tous les ingrédients susceptibles de hâter un changement national-démocratique, il est difficile, dans les conditions actuelles, d’espérer une perspective qui ne replonge pas le pays dans une guerre de sécession que le peuple ne souhaite pas.

Pétromonarchies du Golfe
Dans les monarchies du Golfe, le mécontentement de larges secteurs d’une société conservatrice contre les excès d’une classe dominante dont l’attachement superficiel et hypocrite aux préceptes religieux n’a d’égal que la décadence morale et la servilité à l’égard de l’occupant américain se fait de plus en plus visible et commence à donner une assise à une opposition nationale et islamiste jusqu’ici isolée. Mais la manne pétrolière continuera à jouer un rôle d’amortisseur de ce mécontentement et la surveillance étroite des services de sécurité bénéficiant de l’encadrement américain constituera pour longtemps encore un solide rempart contre le changement qui ne saurait malheureusement venir de cette région.

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 16:00

« Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de plein gré, dans des circonstances librement choisies ; celles-ci, ils les trouvent au contraire toutes faites, données, héritage du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants. Et au moment précis où ils semblent occupés à se transformer eux-mêmes et à bouleverser la réalité, à créer l’absolument nouveau, c’est justement à ces époques de crise révolutionnaire qu’ils évoquent anxieusement et appellent à leur rescousse les mânes des ancêtres, qu’ils leur empruntent noms, mots d’ordre, costumes, afin de jouer la nouvelle pièce historique sous cet antique et vénérable travestissement et avec ce langage d’emprunt. »

(Marx, 18 Brumaire, Pléiade 4, p. 438).

“On parle toujours de la violence du fleuve, jamais de celle des berges qui l’enserrent.”
Brecht

« Le camp de concentration est l’enfer d’un monde dont le supermarché est le paradis. » La Banquise

“Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner”.
Warren Buffett

“Alors s’ouvre une époque de révolution sociale. Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure. Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il faut toujours distin guer entre le bouleversement matériel – qu’on peut constater d’une manière scientifiquement rigoureuse – des conditions de production économiques et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu’au bout.”
K. Marx “Préface à la critique de l’économie politique”

“le travail (c’est) l’acte par lequel l’activité humaine pratique devient étrangère à elle-même”
K. Marx 
“Première critique de l’économie politique”

“il faut avoir le courage ou l’exhibitionnisme d’une certaine honnêteté : Nous vivons en schizophrènes conscients; à la fois nous espérons ardemment l’éclatement révolutionnaire et à la fois nous le redoutons (si toutefois on a la moindre conscience du chaos catastrophique que ce sera) et nous vivons tous (oui tous ! sans aucune exception, j’insiste) comme si cela ne devait jamais avoir lieu, on ne peut pas faire autrement et c’est normal.” Bernard L.

“Maintenant que nous savons que les riches sont des larrons,
si notre père, notre mère n’en peuvent purger la terre,
nous quand nous aurons grandi,
nous en ferons du hachis”
Louise Michel.

« Il n’y aura pas de paix. A tout moment, durant notre vie entière, il y aura de nombreux conflits dans des formes mutantes, tout autour du monde. Le conflit violent fera les gros titres des journaux, mais les luttes culturelles et économiques seront plus constantes et en définitive plus décisives. Le rôle de facto des forces armées américaines sera de maintenir le monde comme un lieu sûr pour notre économie et un espace ouvert à notre dynamisme culturel. Pour parvenir à ces fins, nous ferons un bon paquet de massacres (a fair amount of killing) ».
Commandant Ralph Peters, ” Constant Conflicts “, Parameters, été 1997.

« …Quels gens, quelle terre ? ton histoire n’est qu’une suite d’injustices, d’infamies et de reniements, écrites par les vainqueurs pour les esclaves. C’est ça ta nostalgie ? tu devrais vomir, pas pleurer. Réveille toi, Bécassine c’est fini. En place pour Disneyland ! »
Claude COURCHAY « Avril est un mois cruel »

« Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes, mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante le cerveau des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif.” Friedrich
ENGELS « Lettre à joseph Bloch », 21 septembre 1890, Études philosophiques,

“L’histoire des pauvres n’est pas longue à écrire : jadis ilotes, avant-hier serfs, hier salariés, aujourd’hui précaire. Toujours esclaves.”
D’après Louise Michel

« Nous ne pouvions rien attendre de ce que nous n’aurions pas modifié nous-même » Guy Debord

La nationalité de l’ouvrier n’est pas serbe ou albanaise ou grecque;
C’est le travail, l’esclavage libre, le marchandage de soi.
Son gouvernement n’est pas serbe ou albanais ou grec; c’est le capital.
L’air de sa patrie n’est pas serbe ou albanais ou grec;
C’est l’atmosphère polluée de l’usine sociale.
Son territoire à lui n’est pas le territoire “serbe” ou “albanais” ou “grec”, il se trouve quelques mètres sous terre.
K. Marx “L’illusion de I’économie nationale”

“… La race, ce que t’appelles comme ça, c’est seulement ce grand ramassis de miteux dans mon genre, chassieux, puceux, transis, qui ont échoué ici poursuivis par la faim, la peste, les tumeurs et le froid, venus vaincus des quatre coins du monde. Ils ne pouvaient pas aller plus loin à cause de la mer. C’est ça la France et puis c’est ça les Français… ”
Louis Ferdinand Céline ” Voyage au bout de la nuit “

Qui remuerait les tourbillons de feu furieux,
Que nous et ceux que nous nous imaginons frères ?
À nous ! Romanesques amis : ça va nous plaire.
Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux !
Arthur Rimbaud “Qu’est-ce pour nous mon cœur … (1872)


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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 15:51

alger.jpegPlus de quarante manifestants ont été blessés à Alger le 22 janvier, lors d’un rassemblement de l’opposition interdit et dissout manu militari par les autorités.

Il serait sans doute hâtif de faire état d’une contagion révolutionnaire, mais sans parler de l’Albanie, à l’évidence au Maghreb et dans le monde arabe, en Egypte, en Mauritanie, en Algérie, en Jordanie et même en Arabie Saoudite où un homme de 65 ans aurait tenté de s’immoler par le feu, la chute du dictateur tunisien Ben Ali a réveillé les aspirations des peuples à la démocratie. 

Ce samedi à Alger, malgré et d’ailleurs notamment pour protester contre l’Etat d’urgence en vigueur depuis 1992 dans le pays, des centaines de personnes ont manifesté à l’appel du RCD, le Rassemblement pour la culture et la démocratie, parti d’opposition algérien à ne pas confondre avec le RCD du Tunisien Zine El Abidine Ben Ali, la formation du dictateur déchu vendredi dernier.

Malgré l’interdiction formelle des autorités, le RCD avait appelé ce samedi à un rassemblement devant son siège situé sur l’avenue historique Didouche Mourad, avant une marche sur le Parlement. Bilan de la manifestation : au moins quarante-deux personnes ont été blessées selon Saïd Sadi, le président du parti d’opposition.

“Il y a eu plusieurs blessés et parmi eux le chef du groupe parlementaire du RCD Othmane Amazouz, ainsi que de nombreuses arrestations” a déclaré M. Sadi à l’AFP. Dans un premier temps, à la mi-journée, le député et porte-parole du RCD Mohsen Belabbes avait fait état de cinq blessés, quant à l’agence de presse officielle APS, elle a évoqué sept policiers blessés lors des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, dont deux dans un état grave.

Ailleurs en Algérie, à Bejaia, 260 km à l’ouest de la capitale, un journaliste de l’AFP témoigne avoir vu Reda Boudraa, le chef régional du parti d’opposition évacué la tête en sang, après avoir reçu un coup de bâton.

Alors que l’agence officielle APS a annoncé cinq interpellations, d’autres sources dont l’AFP qui a assisté à des interventions musclées de la police, parlent d’une centaine d’arrestations parmi lesquelles apparemment celle d’Arezki Aïter, le député RCD de Tizi Ouzou, la principale ville de Kabylie, relâché une heure plus tard selon les instances de son parti.

Certains brandissant des drapeaux algériens, d’autres celui de la Tunisie voisine, les manifestants ont clamé entre autres slogans, “Algérie démocratique”, “le pouvoir y en a marre”, “Etat assassin’ ou encore “Algérie libre, Algérie démocratique”.

Tôt ce samedi matin, ils étaient déjà près de 300 devant le siège du RCD, confrontés à des centaines de policiers casqués, boucliers et matraques en main, et à des tirs de grenades lacrymogènes.

Depuis le premier étage du bâtiment, le leader du RCD Saïd Sadi clamait par haut-parleur “je suis prisonnier dans le siège du parti (…) on ne peut pas mener de lutte pacifique quand on est assiégé”. Ledit siège a été levé en début d’après-midi, vers 13h30, après la dispersion de la manifestation.

Depuis la veille au soir, dans la perspective de ce rassemblement interdit par la Wilaya (la préfecture…), des dizaines de véhicules blindés avaient pris position au quatre coins d’Alger en particulier dans le centre historique, et les forces de sécurité avaient établi des barrages aux entrées de la ville refoulant notamment trois cars de manifestants en provenance de Kabylie.

Le déploiement policier était particulièrement impressionnant place de la Concorde, où devait débuter la marche en direction de l’Assemblée nationale populaire, et autour du palais présidentiel, dans les hauteurs d’Alger, où une douzaine de véhicules armés de canon à eau ont pris position.

Se désolant de cette démonstration de force et des événements de la journée, Mostefa Bouchachi, le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme interrogé par l’AFP a estimé que “le fait d’interdire des marches pacifiques encadrées par des partis et la société civile” revenait à “pousser à une explosion”.

Début janvier, après cinq jours d’émeutes contre la cherté de la vie qui avaient fait cinq morts et plus de 800 blessés, le calme était revenu après l’annonce d’une baisse des prix des produits de première nécessité. De fait en ce 22 janvier, comme en Tunisie où la révolte contre le chômage et la vie chère a tourné au renversement d’un régime inique, la contestation semble définitivement avoir pris un tour politique en Algérie.

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 15:47

Bolivie.jpgDes manifestations contre la hausse des prix alimentaires ont dégénéré et donné lieu à des pillages de magasins lundi à Llallagua, dans le sud-ouest de la Bolivie, selon la police et les médias locaux.

Les prix de certains aliments ont grimpé en Bolivie depuis fin décembre, avec la hausse brutale de l’essence (environ 80%) après la décision de l’État de cesser les subventions aux carburants. Le gouvernement a depuis fait marche arrière sous la pression de la rue, mais les prix ont tardé à baisser. 

Quelque 5.000 personnes ont défilé contre la vie chère, dans le cadre de deux manifestations parallèles à l’initiative d’un syndicat de mineurs d’un côté, et d’un syndicat de paysans de l’autre. La police avait demandé aux commerçants de garder porte close, a indiqué à l’AFP une source policière.

La protestation des mineurs s’est déroulée sans incidents, mais plusieurs personnes venues des communautés rurales de Chullpa et Sicoya, ont manifesté avec les paysans puis se sont livrés à des pillages de magasins, a rapporté le réseau de radio catholique Erbol.

Selon le colonel Edwin Duran, de la police locale cité par Erbol, «la police n’est pas intervenue afin d’éviter un affrontement avec les manifestants». Pour cette raison, il n’y a pas eu non plus d’arrestation, a précisé à l’AFP une source policière.
Le calme était revenu dans l’après-midi, et les syndicats ont forcé des manifestants à rendre une partie des marchandises volées, selon les radios. (…)

AFP, 24 janvier 2011. 

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 15:40

face a face

Archives des blogs tunisiens depuis 2007 à aujourd’hui sur le site

http://fr.globalvoicesonline.org/dossiers/dossier-tunisie/


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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 15:34

révolution

Tunis, «le peuple vient faire tomber le gouvernement»

La pression de la rue à Tunis pour exiger la démission du gouvernement de transition et des ministres issus du régime Ben Ali a pris dimanche une nouvelle dimension, avec le siège du palais du Premier ministre, initié par un millier de jeunes déshérités venus du centre du pays.
La poursuite des manifestations tout au long du week-end à Tunis a relancé les spéculations sur la capacité du gouvernement provisoire à résister à la pression populaire, alors qu’un appel à la grève illimitée des enseignants du primaire a été lancé pour lundi, date théorique de reprise des cours. 

Syndicalistes, opposants de gauche, islamistes, citoyens ordinaires, avec femmes et enfants: des milliers de manifestants – 3000 selon un policier – ont fait le siège tout la journée du palais de la Kasbah où travaille le Premier ministre Mohammed Ghannouchi au centre de Tunis.

“Le peuple vient faire tomber le gouvernement”, scandaient dès l’aube les participants à la “Caravane de la libération”, partis la veille du centre-ouest pauvre et rural du pays, dans les rues encore désertes de la capitale.

(Fethi Belaid / AFP)

Rejoint par un flot continu de manifestants de Tunis, ils ont été les premiers à faire le siège de la Primature, débordant des cordons de policiers et de militaires.

“Ils ont volé nos richesses, ils ne voleront pas notre révolution”, “on ne va pas vendre le sang des martyrs”, proclamaient deux banderoles accrochées aux grilles des fenêtres du bâtiment, témoignant de la défiance de la rue à l’égard du nouveau gouvernement, dominé par les caciques de l’ancien régime.

Les manifestants brandissaient les portraits des victimes de la répression du soulèvement populaire, au cours duquel au moins 100 personnes ont trouvé la mort selon l’Onu.

“Nous sommes venus de Menzel Bouzaiane, de Sidi Bouzid, de Regueb pour faire tomber les derniers restes de la dictature”, lance le vieux Mohammed Layani, drapé dans un drapeau tunisien.

(Zohra Bensemra / Reuters)

Ces villes sont les principaux foyers de contestation du centre-ouest frondeur et déshérité, en première ligne lors de la révolte populaire et d’abord strictement sociale qui devait provoquer le 14 janvier la chute brutale du président Ben Ali.

Mais la protestation vient aussi des rangs des islamistes, une nouvelle fois discrètement présents dimanche dans les manifestations.

“Ils essayent de faire peur en agitant la menace islamiste, mais on a aussi droit à la liberté. Il faut faire une place au mouvement islamiste: toutes les sensibilités doivent être représentées dans un régime démocratique”, estime Souhir, une jeune femme portant le voile.

Très contesté, le gouvernement semble tabler sur un essoufflement du mouvement dans les jours à venir et s’efforce de remettre le pays sur les rails en relançant notamment l’activité économique.
Grève des enseignants

Lundi sera une journée test pour jauger l’évolution du rapport de force rue-gouvernement.

Ecoliers, collégiens et une partie des lycéens doivent théoriquement reprendre le chemin des classes, fermées depuis le 10 janvier, quatre jours avant la fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite, mais le syndicat des enseignants du primaire a appelé à une “grève générale illimitée” dès ce lundi pour exiger un nouveau gouvernement débarrassé de tout cacique de l’ère Ben Ali.

Le ministre de l’Enseignement supérieur, l’opposant Ahmed Ibrahim, a appelé les instituteurs à renoncer à cette “grève irresponsable”, lors d’une réunion de son parti, mouvement Ettajdid, au cours de laquelle il a justifié sa participation au gouvernement “pour éviter le vide total”.

Les autorités ont par ailleurs annoncé dimanche l’assignation à résidence de deux des plus proches collaborateurs de Ben Ali, le président du sénat et ancien ministre de l’Intérieur Abdallah Kallel, et l’éminence grise du régime, Abdel Aziz Ben Dhia.
Arrestations pour «haute trahison»

L’agence a aussi annoncé l’arrestation de Larbi Nasra, propriétaire de la chaîne de télévision privée Hannibal, qui a cessé d’émettre. Il est accusé de “haute trahison et complot contre la sécurité de l’Etat” pour avoir voulu “favoriser le retour de l’ancien dictateur” Ben Ali.

Larbi Nasra a été arrêté en même temps que son fils Mahdi, marié à une femme appartenant à la famille honnie de l’épouse de l’ex-président, Leïla Trabelsi et qui travaillait également pour Hannibal.

“Larbi Nasra oeuvrait par le biais de sa chaîne à faire avorter la révolution des jeunes, semer la désordre, inciter à la désobéissance et à la diffusion de fausses informations dans le but de créer un vide constitutionnel et de saboter la stabilité dans le pays et le pousser vers le chaos”, selon une source autorisée citée par l’Agence tunisienne de presse.

Pour sa part, l’Arabie saoudite a assuré dimanche avoir voulu “contribuer à désamorcer la crise et arrêter l’effusion de sang du peuple tunisien” en donnant l’asile à Ben Ali.

(Source AFP)

 

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 15:32

Les agences de notations financières sont remplies de jeunes gens doués, spécialistes de calculs d’intérêts et d’évaluation des financiers. Ils ne travaillent pas à l’affect, ils sont froids comme le bistouri d’un médecin-légiste.

L’agence Moody’s a demandé à ces spécialistes d’examiner la situation de la Tunisie, après l’incroyable révolution qui a conduit à la liberté d’un peuple. Ils ont soupesé les risques de défaut de paiement. Et décidé de rétrograder la note du pays. La dictature avait droit à un « Baa2 », la liberté n’aura qu’un « Baa3 ».

J’imagine ce qui s’est passé à l’intérieur du crâne de ces financiers-noteurs :

« Hum, plus d’instabilité (ah que la dictature est +++ en termes de stabilité ! ) ; hum, moins de tourisme, donc moins de rentrées de devises ; hum, hum, des recettes fiscales menacées par les troubles… »

C’est donc en toute logique que Moody’s a abaissé sans attendre la note de la Tunisie et même jugé « négative » la perspective d’évolution de cette dernière. Eh oui, les révolutions, c’est porteur « d’incertitudes », dont les créanciers ont horreur. Les autres agences, Fitch et Standard and Poor’s devraient emboîter le pas de l’agence américaine. En conséquence, les conditions de crédit accordées à la Tunisie seront durcies.

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