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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 20:46

Le soir même où tous nos yeux étaient rivés à la Tunisie enfin débarrassée de Ben Ali, un dépouillement singulier se terminait à Turin, dans les usines de la Fiat du site de Mirafiori. Il s’agissait de savoir si quelques milliers de travailleurs avaient approuvé par référendum un accord forcé qui les privait gravement de droits. Il s’attaquait à leurs horaires, à leurs rythmes de travail, à leurs pauses, à leur vie familiale, à leurs possibilités de congés pour maladies, etc., en échange d’une promesse d’investissements permettant de sauver le site et de leur assurer un emploi pour l’avenir.

Un accord du même acabit avait déjà été approuvé à Pomigliano, en Campagnie. Mais celui de Turin était encore plus grave parce que la Fiat, désormais sortie de la Confindustria, la grande association patronale italienne, n’avait du coup plus aucun engagement contractuel national. L’entreprise allait ainsi pouvoir discuter directement avec les seuls syndicats signataires de l’accord, et non plus avec la FIOM, le syndicat non signataire ; et non plus avec des délégués du personnel régulièrement élus par tous les salariés.

Marco Revelli, historien et sociologue qui connaît bien les luttes des ouvriers de la Fiat, fustige ce retour pathétique à la servilité du travail et décrit  la gravité du projet : « ainsi, écrit-il, le travail redevient séparé des droits du citoyen, de ces droits garantis par la loi, par la Constitution ou par la civilité juridique d’un pays ». Quant à l’entreprise, ajoute-t-il, elle « se définit dans une situation d’extraterritorialité, comme si elle vivait dans un autre espace que celui du pays, de l’État, de la législation, etc., et elle traite ainsi le travail comme une ressource qui est pleinement disponible, mais sans aucune reconnaissance de la personnalité, de la dignité des sujets qui travaillent » (http://temi.repubblica.it/micromega-online/mirafiori-peggio-di-pomigliano/).

Dans l’histoire du mouvement ouvrier italien, la Fiat de Turin, c’est tout un symbole : haut-lieu de l’expérience des conseils de fabrique et des occupations d’usines des années 1919-1921 ; haut-lieu, de tout temps, des résistances ouvrières à l’exploitation, à l’augmentation infernale des cadences, à l’aliénation engendrée par la rationalisation de la production et par l’explosion de la productivité ; mais aussi, durant les années soixante et soixante-dix, haut-lieu de la contestation par la gauche radicale des franges les plus modérées du mouvement social, politique et syndical.

Ce vote forcé constitue sans doute un tournant. Avec de tels accords forcés, déterritorialisés et déconventionnalisés, la Fiat et son administrateur délégué Sergio Marchionne innovent dans le mauvais sens et reviennent sur près de deux siècles de luttes contre les effets pernicieux de l’industrialisation subis par le monde du travail. Ils tournent le dos à ces conquêtes sociales qui sont issues des luttes ouvrières et qui ont été lentement construites à l’échelle nationale par des conventions collectives pour garantir les droits minimaux de tous.

Ce qui s’est passé à Turin est par conséquent de la plus haute importance pour l’histoire et l’actualité sociales, pour l’histoire du mouvement ouvrier. Une bonne partie des dirigeants du Parti démocratique, en particulier le maire de Turin et une autre personnalité locale, Piero Fassino, appelaient à voter en faveur de l’accord forcé. Ce qui est assez consternant de la part de personnalités d’une formation issue de la gauche historique italienne. Les travailleurs étaient en effet condamnés à choisir entre le renoncement à leur dignité et une promesse d’emploi qui suscite bien des interrogations. Ils étaient soumis à un véritable chantage, relancé par le chef du gouvernement Silvio Berlusconi qui approuvait ouvertement et sans vergogne l’idée même que la Fiat puisse investir ailleurs qu’à Turin si le non des travailleurs devait l’emporter. Tout a donc été mis en place pour arracher un oui. D’ailleurs, même s’ils ont été nombreux à déclarer voter oui par obligation tout en souhaitant que la résistance se poursuive, qui aurait pu jeter la pierre à des ouvriers qui ne pouvaient pas risquer de se voir privés d’emploi ?…. Tout le monde s’attendait ainsi à la répétition de l’issue de Pomigliano, c’est-à-dire à un petit oui dans les urnes…

L’affluence au référendum a été très forte. Il y a même eu un certain suspense. Mais les oui l’ont finalement emporté. Si l’on met de côté les employés, les cols blancs, appelés à voter sur des détériorations de conditions d’emploi qui ne les concernaient pas, le vote a été tellement serré que Sergio Marchionne ne peut même pas prétendre avoir obtenu les fameux  51% qu’il estimait nécessaires. Cela dit, pour reprendre les termes de Marco Revelli, c’est quand même bien un retour de la servilité dans les rapports de travail qui a ainsi été entériné. Ce qui n’est une bonne nouvelle ni pour les ouvriers de Mirafiori, ni pour le monde du travail en général.

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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 20:43

La police tunisienne a violemment dispersé mardi un millier de manifestants,parmi lesquels des islamistes, hostiles à la présence de membres de l’équipe du président déchu Ben Ali dans le gouvernement de transition formé lundi.
La police tunisienne a violemment dispersé mardi un millier de manifestants,parmi lesquels des islamistes, hostiles à la présence de membres de l’équipe du président déchu Ben Ali dans le gouvernement de transition formé lundi, ont constaté des journaliste de l’AFP.
Des milliers de Tunisiens ont manifesté dans plusieurs villes de province contre la présence dans le nouveau gouvernement de transition de membres de l’équipe sortante du président déchu Ben Ali, ont rapporté des correspondants de l’AFP.

Environ 5.000 personnes ont manifesté à Sfax (centre-est) la métropole économique du pays, où l’imposant siège local du RCD, le parti du président Ben Ali, avait été incendié par des manifestants il y a quelques jours, a rapporté un témoin.
Une manifestation a rassemblé “des milliers de manifestants” à Sidi Bouzid (centre-ouest) d’où est partie à la mi-décembre la révolte populaire contre le régime autoritaire du président Ben Ali, selon un correspondant de l’AFP.
Une autre marche de protestation ayant rassemblé un millier de personnes s’est produite à Regueb, à 37 km de Sidi Bouzid, selon un autre correspondant.
Enfin, un rassemblement de 500 personnes, regroupant notamment des avocats et des syndicalistes, s’est tenu à Kasserine, autre bastion de la “Révolution du jasmin”.
A Tunis, Sadok Chourou, 63 ans, ancien président du mouvement islamiste tunisien interdit Ennahdha (Eveil), libéré le 30 octobre 2010 après avoir passé vingt ans en prison pour ses activités politiques, se trouvait en tête des manifestants.
“Le nouveau gouvernement ne représente pas le peuple et doit tomber. Non au RCD”, le Rassemblement constitutionnel démocratique de l’ancien président, a-t-il déclaré à l’AFP au cours de la manifestation, rassemblant un millier de personnes sur l’avenue Habib Bourguiba, dans le centre de Tunis. Sadok Chourou était entouré de trois personnes qui assuraient visiblement sa sécurité. Des jeunes brandissaient près de lui une pancarte “Oui à Ennahdha”.
La police a appelé les manifestants à se disperser, conformément à l’état d’urgence en vigueur qui interdit les rassmblements de plus de trois personnes, avant de tirer des gaz lacrymogènes. Rompant avec la retenue lors d’une manifestation similaire organisée lundi, les forces de l’ordre ont aussi fait usage de leurs matraques pour disperser la foule.
Les manifestants, une centaine au départ, se sont d’abord dispersés dans les rues latérales de l’avenue Bourguiba pour échapper aux gaz lacrymgènes, avant d’y revenir plus nombreux, provoquant une nouvelle intervention très musclée de la police.
“RCD assassins”, ont scandé les manifestants, dénonçant le parti du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. “On peut vivre seulement avec du pain et de l’eau, mais pas avec le RCD”, chantaient-ils. “Nous refusons ce gouvernement criminel qui veut voler la révolte de notre peuple. Nous voulons un gouvernement qui représente vraiment le peuple. Nous dénonçons les partis de l’opposition fantoche qui sont maintenant au gouvernement”, a expliqué un manifestant.
Mohammed Ghannouchi, qui était le dernier Premier ministre de Ben Ali, a été reconduit dans ses fonctions et a annoncé lundi la formation d’un “gouvernement d’union nationale”, marqué par l’entrée de trois chefs de l’opposition, mais dans lequel l’équipe sortante conserve les postes clés:
Intérieur, Défense, Affaires étrangères, Finances notamment. Le chef du gouvernement a aussi annoncé la “liberté totale d’information”, la libération de tous les prisonniers d’opinion, la levée de l’interdiction d’activité des organisations de défense des droits de l’homme et la légalisation de tous les partis politiques qui le demanderont. Le nouvel exécutif a été formé trois jours après la chute du régime de Ben Ali, contraint vendredi à l’exil en Arabie Saoudite par un mois de révolte populaire, la “Révolution du jasmin”, au cours de laquelle, selon le gouvernement, 78 personnes ont été tuées et 94 autres blessées.
le 18.01.11 | 11h32 EL WATAN

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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 20:39

antiemeute.jpgLa capitale sous haute surveillance

Lorsque la rue gronde, les pouvoirs tremblent. La révolution tunisienne, qui a fini par faire fuir le premier bourreau de Carthage, fait craindre aux voisins un effet de contagion. Les rues d’Alger sont quadrillées depuis vendredi dernier par un important dispositif sécuritaire. La crainte de voir la rue algérienne, qui semble envier la révolte tunisienne, se «rebeller», a fait sortir un nombre important de camions de casques bleus.

Les dizaines de ces derniers sont postés en différents lieux sensibles de la capitale. Sur la place du 1er Mai, plus précisément devant le siège de la centrale syndicale, un nombre important de camions des brigades antiémeute attendent un éventuel mouvement de rue. Aux Trois-Horloges, à Bab El Oued, et non loin du commissariat du 5e arrondissement, le même dispositif a été mis en place avec, en tête de peloton, le fameux blindé antiémeute appelé «moustache». Devant le siège de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), la même exhibition de force est constatée. Le palais d’El Mouradia, siège de la présidence de la République, demeure sous l’œil vigilant d’un ensemble de véhicules policiers dirigés par des officiers.

Pourtant, aucun appel à une marche ou un à rassemblement n’a été fait. Une réaction, à n’en point douter, liée à la situation en Tunisie. La crainte de voir la rue algéroise bouger est patente et cette exhibition des unités antiémeute le prouve. Outre le déploiement de ces forces, il était difficile pour les Algérois, hier, de communiquer par SMS. Le réseau téléphonique a été perturbé avec l’impossibilité d’envoi de texto et ce, via les différents opérateurs téléphoniques, en particulier Mobilis. Le réseau social facebook subit aussi des perturbations. A noter, par ailleurs, que sur le plan des activités sportives, la trêve footballistique a été inhabituellement avancée, ce qui dénote de la crainte que tout rassemblement populaire ne se transforme en manifestation et qu’il y ait effet d’entraînement pour devenir un espace de revendication et donc de révolte. Les activités culturelles ont, elles aussi, été suspendues jusqu’à nouvel ordre. C’est dire ô combien le séisme tunisien fait craindre, de ce côté de la frontière, des répliques pouvant avoir des conséquences importantes. La volonté populaire est un fleuve au cours indétournable.
Nadjia Bouaricha
El Watan

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 15:55

Les manifestations en Algérie et en Tunisie sont suivies attentivement par les blogueurs des deux pays.Les médias sociaux jouent un rôle central pour la couverture des événements qui s'y déroulent, dans un contexte de censure lourde imposé aux médias traditionnels (la plupart sont contrôlés par l'état) et sur Internet en Tunisie. Voici une revue des blogs tunisiens et algériens au cours des deux derniers jours [liens en français, en anglais, en arabe].

Les internautes sur Global Voices

http://fr.globalvoicesonline.org/2011/01/10/53241/

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 15:52

 

Les internautes sur Global Voices

Les manifestations en Algérie et en Tunisie sont suivies attentivement par les blogueurs des deux pays.Les médias sociaux jouent un rôle central pour la couverture des événements qui s'y déroulent, dans un contexte de censure lourde imposé aux médias traditionnels (la plupart sont contrôlés par l'état) et sur Internet en Tunisie. Voici une revue des blogs tunisiens et algériens au cours des deux derniers jours [liens en français, en anglais, en arabe].

 

http://fr.globalvoicesonline.org/2011/01/10/53241/

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 15:46

 

linkLes démocrates sont penchés sur les barricades.
Arriveront-ils à engranger les bénéfices des révoltes de la rue?

La période laisse t-elle la place à une nouvelle victoire bourgeoise sur une révolution?

Ce soir ou jamais (sic!)

http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr/?page=emission&id_rubrique=1265

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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 15:45

algerie-emeutes-copie-1.jpg

Un jeune en colère: «je ne suis pas sorti pour l’huile et le sucre !»Merouane Korso , Maghreb Emergent, 10 Janvier 2011

Les clameurs des jeunes qui sont sortis un peu partout en Algérie pour crier leur “ras le bol” devant une vie sans lendemains s’estompent progressivement. A Tazmalt, en Kabylie, ou à Bab el Oued à Alger, comme à Chteibo à Oran, il y a eu de la “casse”, du pillage. Le gouvernement a répondu en faisant baisser le prix du sucre et de l’huile. Cela ne réduit pas la colère de Kheirredine, un jeune manifestant qui prend de revers la lecture officielle des évènements. 

Le Show Room de Renault à Bab El Oued, complètement calciné, donne une idée de la violence de l’attaque de centaines de jeunes qui, dans la soirée de jeudi dernier, avaient pris possession de ce quartier de plus d’un million d’habitants. Le mouvement de révolte, parti dans la matinée de jeudi d’Oran s’est propagé, vendredi et samedi dans toutes les grandes et moyennes villes du pays, y compris celle du sud comme Ouargla et Béchar, puis les villages et quelques douars isolés, comme celui de Magtaa Kheira, près de Koléa.

Même le site de Hassi R’mel né autour de l’activité gazière a eu droit à sa nuit bleue. Mais pourquoi donc cette irruption de colère ? Le gouvernement a répondu sur le terrain du prix des produits de base ; l’huile et le sucre en particulier. Des jeunes qui ont participé aux heurts avec la police reprennent la parole avec le retour au calme. L’un d’eux, Kheiredine, étudiant en sciences politiques, proche des émeutiers parle pour ses amis : “Les jeunes sont sortis manifester leur colère contre leur mal vie, des perspectives d’avenir inexistantes, la hogra. Ils ne sont pas sortis pour protester contre la cherté de la vie, encore moins contre la hausse du sucre et de l’huile. Ils sont pour la plupart chômeurs, et vivent aux crochets de leurs parents, ils ne peuvent avoir un bon jugement de la situation économique du pays”. Kheirredine, qui est partisan de la poursuite de ces manifestations ajoute : “les jeunes protestent contre leurs mauvaises conditions de vie, le chômage, le népotisme et la Hogra. Comment trouver du travail dans ce pays si on n’a pas des connaissances bien placées”.

Pour ce jeune étudiant en 2é année “Sciences PO”, ”sortir dans la rue, et casser est le seul moyen d’expression que le pouvoir entend’’. ‘’Si tu marches, si tu défiles, on te tire dessus, on te matraque, on ne t’entendra jamais. Le pouvoir est comme çà, partout. Il n’entend que les clameurs de la rue’’. Emporté par sa colère, il lance encore, presque avec jubilation : ‘’regardez les manifestants des vieilles cités délabrées qui ont bloqué des routes et brûlé des pneus : ils ont tous été logés, leurs revendications entendues’’. Le résultat est là, pour lui “dans ce pays, il faut sortir dans la rue pour se faire entendre”. Et puis, “c’est pareil dans tous les pays arabes et maghrébins : les pouvoirs locaux n’entendent jamais les bruissements de la rue, ses clameurs oui !’’ Quant aux mesures prises par le gouvernement pour stopper la hausse des prix des produits incriminés (officiellement) par ces manifestants, elles ne profitent “qu’à leurs parents. Pour eux, la situation ne change pas”.

Place aux grèves ?

La contestation sociale a repris de plus belle en ce début 2011. Trois importants secteurs sont au bord de l’explosion. La santé, le transport maritime et l’habitat, qui risquent de connaître dans les prochains jours une paralysie totale.
Abder Bettache -Alger (Le Soir) -

Les dockers de la capitale, qui jusque-là ont observé trois journées de grève, promettent de renouer avec la contestation dès cette semaine. Le syndicat des paramédicaux affilié à la fédération UGTA, a décidé de croiser avec la tutelle. Un préavis de grève a été voté à l’unanimité des cadres syndicaux, lors d’une réunion qui s’est tenue mercredi dernier, sous l’égide la Fédération nationale des travailleurs de la santé. Il a été déposé hier. Ce recours au débrayage est «la conséquence directe de la sourde oreille du premier responsable de la santé aux doléances des paramédicaux». Cet appel à la grève, selon les représentants des travailleurs, fait suite à «la lenteur dans l’élaboration du statut particulier et autre régime indemnitaire», alors que le ministre de tutelle n’a cessé d’annoncer en grande pompe «une revalorisation imminente des salaires des travailleurs de la santé». Des propos auxquels les syndicalistes du secteur ne croient nullement, ce qui les a poussés à décider le recours à la grève. Pour rappel, conformément à la loi et à l’accord conclu lors de la bipartite de septembre 2006 entre le gouvernement et la Centrale syndicale, les augmentations salariales dans le secteur de la Fonction publique devraient intervenir suivant un processus et des échéanciers bien précis. Il s’agit, en premier lieu, de finaliser les négociations entre le partenaire social et l’employeur sur la question du statut particulier, avant d’aborder la dernière ligne droite, à savoir le régime indemnitaire. Sept statuts particuliers encadrent les travailleurs de la santé. On cite notamment les statuts de l’enseignant-chercheur hospitalo- universitaire, des fonctionnaires appartenant au corps des administrateurs des services de santé, des psychologues de la santé publique, des fonctionnaires appartenant aux corps des praticiens médicaux généralistes de santé publique, des fonctionnaires appartenant aux corps des praticiens médicaux spécialistes de santé publique, et des physiciens médicaux de santé publique.

Détermination des dockers
La grève au port d’Alger s’est poursuivie jeudi dernier pour la troisième journée consécutive. La rencontre entre les grévistes et la direction n’a rien apporté de nouveau ; une autre, qualifiée de «dernière chance», est attendue pour cette semaine. Hier, les dockers ont repris partiellement le travail, tout en promettant de renouer avec la protestation. Le trafic de marchandises a connu, hier, une forte perturbation et ce, malgré une légère reprise. L’activité au niveau des môles 3, 4, 5 et 7 était totalement à l’arrêt. En revanche, au niveau des quais 1 et 2, le service était assuré normalement. Selon les grévistes, quelque 900 dockers ont observé la grève alors que du côté du syndicat, on parle d’une centaine de grévistes. Il faut préciser que le syndicat d’entreprise n’adhère nullement à la démarche des protestataires, qu’il qualifie d’acte isolé et inattendu, et qu’il refuse d’approuver. Pour lui il est, en effet, impensable de revenir sur un accord passé entre le syndicat et la direction de l’EPAL. Mais les grévistes ne veulent rien entendre. Leur détermination était grande.

Par ailleurs, on indique que le secteur de l’urbanisme n’est pas en reste de toutes ces perturbations qui connaît le monde du travail. Selon des indiscrétions syndicales, le désaccord profond entre les syndicalistes du secteur affiliés à la Fédération de l’urbanisme et de l’habitat pourrait déboucher sur un bras de fer aux conséquences incalculables. En effet, les mêmes sources ajoutent que les multiples doléances exprimées par les représentants des travailleurs n’ont trouvé aucune suite favorable auprès du premier responsable du secteur. Le spectre d’une paralysie du secteur plane. Nourredine Moussa pourrait faire face à une première épreuve sociale depuis sa nomination à la tête du département de l’habitat .
A. B.

LEs classes moyennes et la classe politique pour relayer les émeutes
El Watan, 9 janvier 2011
Alger, samedi matin. Lendemain d’un week-end particulièrement houleux à la suite des émeutes qui ont ébranlé tout le pays, la capitale en premier. Retour sur les traces de pneus brûlés et des magasins défoncés, à Bab El Oued, Oued Ouchayeh, Bachjarah, El Harrach et autre Bordj El Kiffan, pour ne citer que ces quartiers. Pour prendre le pouls de la rue, voir où en est ce fulgurant souffle juvénile.
Un calme précaire semble régner, souverain, sur la ville. C’est vrai que c’est le prolongement du week-end. Mais Alger semble nettement moins animée que d’habitude. En témoignent les commerces qui ont baissé rideau sur certaines artères, par prudence. Les services de voirie ont été mobilisés au pas de charge pour effacer les stigmates des émeutes. Ici, on s’affaire à racler les traces des pneus ; là, on s’échine à remplacer des panneaux de signalisation routière saccagés. Devant certaines boulangeries, à Bab El Oued et ailleurs, c’est la queue pour une baguette de pain. Devant certaines stations d’essence aussi.
La ville reprend son souffle. Les gens, leurs esprits. Quelques colonnes de fumée s’élèvent dans le ciel, à l’autre bout de la baie. Mais rien de spectaculaire.
Nous essayons surtout de lire dans ces jacqueries le sens qu’elles se sont donné
. Nous tentons d’en déceler les slogans, les mots d’ordre arborés, les pancartes brandies. Octobre 1988 avait son fameux «Bab El Oued Echouhada». Les émeutes du printemps noir leur «pouvoir assassin» et le tonitruant «Ulac smah ulah» (pas de pardon).
Les manifs des démocrates au début des années 1990 leur fougueux «Djazaïr horra dimocratia» (Algérie libre et démocratique). Qu’en est-il de la révolte de janvier 2011 ?

Le thème de la cherté de la vie semble revenir comme un leitmotiv pour expliquer ces émeutes et leur donner du contenu, que résume parfaitement ce slogan qui a été scandé : «Rahoum zadou fezzit ouessokar, echaâb rahou habet ikassar !» (Ils ont augmenté l’huile et le sucre, le peuple est décidé à en découdre). Pourtant, cela ne semble pas faire consensus. Nombre de citoyens interrogés, qu’ils soient acteurs de ces soulèvements ou simples observateurs, estiment que la majorité des insurgés ont jailli spontanément, les uns poussés effectivement par le ras-le-bol, la misère sociale et la mal vie, d’autres agissant par mimétisme.

Mais pas de tract, ni de banderole, ni de pancarte, ni de charte écrite.
Devant le lycée Okba, à Bab El Oued, des jeunes s’amusent à placarder des affichettes sur un mur. Renseignement pris, il s’avère que cela n’a rien à voir avec les émeutes. C’est juste pour annoncer l’ouverture d’une nouvelle école de formation privée. Indice révélateur à ce propos : nous avons essayé de trouver trace de quelques graffitis sur les murs des quartiers d’Alger récemment embrasés. Il n’y en avait que pour «el harga», Italia, le Mouloudia et l’USMA, mais aucun mot sur les récentes manifs. Quand on sait l’importance des murs comme supports d’expression, on peut mesurer le «blanc» laissé par ce soulèvement en termes de contenus.
Rétrospectivement, on se souvient que même Octobre 1988, sur la foi de nombreux témoignages, n’avait pas immédiatement brandi de revendications politiques. Il a fallu puiser dans l’immense réservoir des luttes sociales et politiques qui ont jalonné les années 1980, depuis le printemps berbère, pour donner un contenu politique à Octobre 1988 et l’habiller d’une plateforme de revendications. Celle-ci trouvait son ancrage dans les traditions militantes héritées du MCB, du FFS, du PAGS, de la LADDH et autres sigles de la mouvance démocratique tapie dans la clandestinité. «Aujourd’hui, quand on voit l’état de l’université, on mesure la régression et l’appauvrissement du terreau politique alors que dans les années 1980, l’université connaissait une effervescence militante exceptionnelle qui a alimenté Octobre 1988», analyse un enseignant rencontré à Bab El Oued. Pour lui, il serait présomptueux, voire démagogique, de prêter au mouvement actuel des revendications «sophistiquées».
à la recherche de la société civile
Selon lui, même les raisons avancées, centrées autour de «la cherté de la vie» ont été ajoutées après coup. «C’est vrai que la cherté de la vie est insoutenable. Mais les jeunes manifestants, eux, n’ont rien dit de tel. C’est vous, la presse, qui avez inventé ces slogans.» Et un de ses collègues de renchérir : «Cela nécessite un profond travail d’encadrement mettant à contribution tout un tissu d’associations, de partis politiques et de syndicats.» Un troisième de faire remarquer : «On ne dit pas que ce mouvement n’est pas légitime. Simplement, nous ne sommes pas d’accord avec la manière.» Et son acolyte de lancer : «Nous, nous sommes dans un syndicat d’enseignants et nous militons pour nos droits par ce canal. Nous avons de petits acquis, mais nous préférons la voie pacifique traditionnelle. Il faut revenir à ces canaux de lutte qui sont le baromètre d’une société civile forte.» Justement, et c’est là que le bât blesse, le verrouillage du champ politique, associatif et syndical rendant problématique toute action citoyenne «encadrée» et «canalisée», le recours à la violence à l’état brut devient presque une fatalité. Interrogé sur ses propres attentes de ce mouvement, un jeune, dans les 18 ans, qui a pris part aux émeutes de Bab El Oued, témoigne : «Moi je vous le dis franchement, ce qui nous fait agir, c’est l’attitude de la police. Hier, un groupe de flics en civil sont venus ici et on les a chassés.» Le jeune évoque au passage le cas de certains «pilleurs professionnels» qui «profitent de la situation pour racketter les gens et vider les magasins». Mais l’on aurait évidemment tort de généraliser en réduisant cette lame de fond à un autre «chahut de gamins». Si le séisme social qui vient d’ébranler la maison Algérie a été brut, spontané et radical dans son expression, un cri sourdant du plus profond de l’injustice sociale qui accable la population, ne s’embarrassant pas trop des discours et des formules de rhétorique, force est de constater que trois jours après la tempête, des voix commencent à s’élever pour injecter des idées, des revendications écrites, du contenu politique à l’intérieur de ce magma de colère. Jusqu’ici, les classes moyennes semblaient se conduire en spectatrices.
Peut-être que cette semaine sera annonciatrice d’une nouvelle phase dans le mouvement… ou que l’heure sera à la capitalisation citoyenne de ce tsunami.
Des initiatives citoyennes sont d’ores et déjà en train d’être lancées dans ce sens. C’est ainsi que le Comité citoyen intercommunal de Aïn Benian-Staouéli vient d’être créé pour accompagner ce souffle. Sous le titre «Pour une alternative citoyenne et populaire», un premier communiqué de ce comité vient d’être rendu public sur facebook. «La rage de notre jeunesse exprime le ras-le-bol de tout un peuple à qui le pouvoir n’a laissé que la harga, la zatla et le suicide», s’indignent les rédacteurs du communiqué, avant d’appeler à un rassemblement pacifique ce dimanche à 16h, sur la place des Dauphins à Staouéli. «Certains font la morale aux jeunes manifestants en les traitant de casseurs et de voyous. Pourquoi tous ces augustes citoyens ne descendent-ils pas dans la rue pour montrer l’exemple ?», lâche un membre du comité de Aïn Benian.
Les classes moyennes et la classe politique savent, désormais, ce qu’ils ont à faire s’ils veulent transformer cet hiver impétueux en printemps démocratique…
Mustapha Benfodil

Algérie : un 5e mort dans les émeutes, au moins 800 blessés

Algerie Focus, 9 janvier 2011
Le bilan des violences en Algérie s’est alourdi ce dimanche à cinq morts. Un chauffeur de taxi de 65 ans est décédé après avoir inhalé des gaz lacrymogènes lors de heurts entre forces de l’ordre et manifestants à Annaba, selon une source hospitalière. La veille au soir, un jeune homme a été tué par balle dans la région de Tiaret, à 340 km à l’ouest d’Alger, alors que trois personnes étaient déjà décédées depuis le début des émeutes, le 5 janvier.

Plus tôt dans la journée de dimanche, le ministère de l’Intérieur avait considéré que la page des violences était «tournée», tout en reconnaissant des «incidents» «à Boumerdès, Béjaïa et Tlemcen».

Un millier de personnes interpellées
Selon le gouvernement, quelque 800 personnes ont été blessées, dont 763 policiers, dans les émeutes contre la cherté de la vie qui secouent le pays depuis une semaine. Par ailleurs, un millier de manifestants ont été arrêtés. Selon le site d’informations Dernières nouvelles d’Algérie, ils risquent de lourdes peines de prison pour vol, destruction des biens de l’Etat ou encore pour attroupement illégal.

Samedi, le gouvernement a par ailleurs répondu dans l’urgence à la contestation par des mesures destinées à juguler la hausse des prix. Mais dimanche, les émeutes ont repris dans certaines villes d’après le site d’information Tout sur l’Algérie, qui évoquait des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre à Bejaïa, dans les villes balnéaires de Tichy, Aokas et Souk-El-Tenine, et dans la ville d’El-Kseur.

Reprise des affrontements à Tizi Ouzou
Le site Dernières nouvelles d’Algérie affirmait, pour sa part, que les affrontements avaient repris dimanche à Tizi Ouzou, en Kabylie. «C’est vers 13h30 que de jeunes manifestants ont installé des barricades de fortune au milieu de la chaussée sur l’avenue principale de la ville des Genêts, écrit un journaliste. Les brigades anti-émeutes, installées dans l’ancien siège de la gendarmerie, ont réagi énergiquement pour dissuader les manifestants d’enclencher les hostilités. Une première grenade de gaz lacrymogènes est le prélude aux affrontements. En un temps record, la Grand-Rue est transformée en un véritable champ de bataille. Les commerces ont baissé rideau tandis que les établissements publics n’ont pas du tout ouvert de la journée, pourtant jour ouvrable.»

A Alger en revanche, les habitants tentaient dimanche de reprendre une vie normale. Les commerces avaient rouvert et le trafic ferroviaire, interrompu depuis jeudi, avait repris au départ de la capitale et dans le reste du pays. Mais la ville gardait encore les stigmates des violences. «Les dégâts sont immenses», a estimé le ministre de l’Intérieur, citant des dégradations visant des banques, des boutiques de téléphonie, d’informatique, de montres, de vêtements, des concessionnaires automobiles et des bâtiments publics.

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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 12:53

Un dirigeant de l’opposition a fait état dimanche d’au moins 20 personnes tuées par balles à Thala et Kasserine, dans le centre-ouest de la Tunisie, et a appelé le président Zine El Abidine Ben Ali à «faire cesser le feu».
«Les informations qui nous proviennent de Kasserine et Thala font état d’au moins vingt morts tombés sous les balles depuis samedi dans des affrontements qui se poursuivaient ce matin même», a déclaré à l’AFP Ahmed Nejib Chebbi, chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale).
«On a tiré sur les cortèges funèbres», a-t-il affirmé, expliquant tenir ses informations des relais de son parti dans les deux villes.
Affirmant vouloir attirer l’attention du chef de l’État sur «la gravité de la situation», M. Chebbi l’a appelé à «faire cesser le feu immédiatement».

«J’adresse un appel urgent au président de la République pour lui demander de faire cesser le feu immédiatement afin d’épargner la vie des citoyens innocents et de respecter leur droit à manifester», a-t-il déclaré.

Selon des témoignages concordants recoupés par l’AFP, au moins quatre personnes ont été tuées dimanche et plusieurs blessées par balles à Kasserine, à 290 km au sud de Tunis. Ces sources avaient affirmé que le bilan devrait s’alourdir dans les heures à venir en raison d’un «grand nombre de blessés graves».

Sur les quatre tués dans des affrontements avec la police, trois ont été tués par balles et identifiés. Il s’agit de Raouf Bouzid, Mohamed Amine Mbarki et Rabah Nasri, a indiqué Sadok Mahmoudi, membre du bureau exécutif du syndicat régional de Kasserine. Ce syndicaliste a fait état d’un quatrième tué sans précision d’identité.

Samedi soir, des affrontements à Thala, localité situé à 50 km de Kasserine, avaient fait au moins quatre morts et six blessés graves, selon des sources syndicales.

Le gouvernement a fait état dimanche de deux morts samedi à Thala affirmant que la police avait été attaquée par des individus avant d’ouvrir le feu dans un acte de «légitime défense».

Agence Faut Payer, 9 janvier.

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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 13:57

La Turquie et toutes les nations émergentes, rendues confiantes par leurs succès économiques, s’émancipent d’une tutelle occidentale moralisatrice de plus en plus mal supportée, écrit l’éditorialiste Semih Idiz, dans le quotidien turc Hurriyet. « Cette attitude à l’égard de l’Occident n’est à l’évidence pas spécifique aux Turcs. De la Russie à l’Inde, de la Chine à l’Afrique on assiste à une réaction croissante et forte contre l’Occident. Certains parlent d’un retour de bâton « post-colonial. », constate-t-il, --- Ce texte, écrit avant l’assaut israélien, qui met en perspective l’initiative de la Turquie et du Brésil dans le dossier iranien, souligne tout en le déplorant l’aveuglement apparent de l’occident sur les forces à l’œuvre. La séquence à laquelle nous venons d’assister illustre la distance croissante entre le monde qui nait et la façon dont il continue d’être perçu à l’ouest. Lorsque la Turquie, jusqu’alors fermement arrimée à l’OTAN, et le Brésil, peu suspect de complaisance islamique, offrent une solution avec l’appui de la Russie à une crise diplomatique qui risque en permanence de dégénérer en conflit ouvert, l’Ouest, loin de se réjouir de voir le dossier avancer, n’a montré qu’embarras et méfiance. Comment ne pas voir dans cette réaction une forme du mépris arrogant à l’égard de nations considérées comme de second rang, non habilitées à traiter des affaires du monde ? Le dessin de Plantu publié à l’occasion - que nous percevons comme profondément insultant - l’illustrait on ne peut plus crûment, avec ses chefs d’Etats caricaturés en trois singes, l’un dément, l’autre aveugle et le dernier sourd. Ce qui nous échappe, tant il est difficile de se défaire des réflexes de dominants, d’entamer un dialogue constructif et respectueux entre égaux, c’est que vu d’Istamboul, de Brasilia et d’ailleurs, l’occident n’est plus la condition sine qua non de la solution mais une partie du problème. Ce qui pour nous relève de l’exigence indiscutable - au nom d’une morale irréprochable, comme de bien entendu - est perçu comme l’alibi déguisant une volonté de puissance appartenant à un passé révolu, ou au mieux, pour les plus indulgents dont fait partie Semih Idiz, une rigidité contre productive. L’assaut sur la flottille turque, dans ce contexte, apporte une nouvelle pièce à un acte d’accusation déjà lourd. Israël, qui se vit comme un fortin occidental fiché au cœur d’un monde « barbaresque », porte à leur paroxysme tous les maux de l’ancienne domination coloniale, et résume la détestable injustice d’un ordre tout aussi ancien, qui refuse - ou est incapable - de se réformer. Les innombrables dénégations quant au rôle central du conflit israélo-palestinien n’y peuvent mais. Car si les voix ne manquent pas pour proposer une analyse en termes « culturels » sous l’aspect d’un différent avec un Islam forcément rétrograde et extrémiste, à l’échelle de la scène mondiale les querelles bibliques et leurs prolongations contemporaines relèvent au plus d’étranges et lointaines traditions exotiques. Mais reste un problème, bien réel lui, qui menace la paix et la stabilité du monde, et face auquel l’occident continue de pratiquer un deux poids deux mesures non seulement injustifiable mais d’abord et avant tout dangereux, frisant l’irresponsabilité. Comment s’étonner, dès lors, que d’aucuns tentent de contourner les blocages - et les blocus - nouent des liens et prennent des initiatives, dans une superbe indifférence à nos critères ? Contre Info.

par Semih Idiz, Hurriyet Daily.

Le best-seller de Fareed Zakaria titré « Le monde post-américain et l’essor du reste du monde. » est une lecture fascinante, un livre prémonitoire. La question de l’Iran s’inscrit parfaitement dans cette perspective. Le problème va bien au delà des actuelles ambitions nucléaires de Téhéran. Cette affaire est en train de se transformer en une impasse qui dessine une nouvelle division du monde.

Cette division peut être caractérisée ainsi : « L’Occident et le Reste du monde, » pour reprendre l’expression de Zakaria. Le développement de pays comme l’Inde, la Chine, le Brésil et la Russie - en d’autres termes « le Reste » - dessine un nouveau paysage mondial qui ne répond pas aux vœux de l’Occident.

La Turquie, qui connait également une croissance rapide, montre des tendances plus en plus marquées en direction du « Reste », et moins vers « l’Occident ». Ceci est interprété comme par certains en Europe et aux États-Unis comme une « islamisation de la politique étrangère turque », mais cette évolution pointe vers quelque chose de bien plus significatif.

L’émergence de ce nouvel ordre mondial ne constitue bien évidemment pas une surprise. Il était prévu par ceux qui sont suffisamment compétents pour en déceler les signes avant-coureurs. Nombre d’historiens occidentaux, d’économistes, et des chercheurs en sciences humaines ont décrit ce processus depuis un certain temps.

Quelques noms viennent immédiatement à l’esprit, notamment ceux de Walter Laqueur (« Les derniers jours de l’Europe : une épitaphe pour le vieux continent »), Joseph E. Stiglitz (« La Grande Désillusion »), et Zakaria, mentionné ci-dessus.

Même un Timothy Garton Ash, apparemment optimiste dans « Monde Libre : l’Amérique, l’Europe et le futur inattendu de l’occident » décrit ce qui se adviendra si le lien de transatlantique n’est pas renforcé dans toutes ses dimensions, ce qui est bien sûr plus facile à dire qu’à faire, comme l’admet l’auteur.

Dans le même temps, l’anti-occidentalisme en général et particulièrement l’anti-américanisme deviennent de plus en plus palpable chez les Turcs. Rester partisan de l’orientation occidentale de la Turquie dans ce climat devient un défi pour une élite minoritaire. Mais l’éloignement de la Turquie des États-Unis et de l’Europe n’est pas quelque chose qui inquiète les Turcs dans leur majorité.

Cette attitude à l’égard de l’Occident n’est à l’évidence pas spécifique aux Turcs. De la Russie à l’Inde, de la Chine à l’Afrique on assiste à une réaction croissante et forte contre l’Occident. Certains parlent d’un retour de bâton « post-colonial. »

Roberto Fao, un doctorant à l’Université d’Harvard qui a écrit pour le Financial Times, a travaillé à la Banque Mondiale et été consultant pour des projets gouvernementaux, propose des vues intéressantes sur la question.

Dans une tribune publiée par EUobserver.com le 25 mai, M. Fao affirme que les Européens doivent aujourd’hui « se demander pourquoi ils provoquent si peu de respect dans le monde. » Il cite Kishore Mahbubani, le doyen de la Lee Kwan Yew School of International Affairs de Singapour, qui soutient que l’Europe ne comprend pas à « quel point elle devient peu pertinente pour le reste du monde. »

M. Fao rappelle également que Richard Haas, le président du Council on Foreign Relations, a déclaré publiquement « adieu à l’Europe en tant que puissance de haut rang. » M Fao ne croit cependant pas que l’on puisse négliger cette situation, en n’y voyant qu’une simple « jalousie » de la part des non-européens.

« Au contraire », écrit-il, « j’y discerne une vérité plus dérangeante. Les pays du monde entier ne supportent plus depuis longtemps l’ingérence et les leçons de morale de l’occident, et ont acquis assez de confiance pour parler haut face à une Europe dont l’influence mondiale n’est plus considérée comme assurée ».

Dans son livre, Zakaria parle de la même « confiance » que des nations ont gagnée face aux États-Unis, avec quelques raisons pour ce faire.

« Les plus grandes tours, les plus grands barrages, les films à succès, et les téléphones mobiles les plus sophistiqués sont tous réalisés désormais à l’extérieur de l’Europe et les États-Unis », note-t-il, en ajoutant que « les pays qui manquaient par le passé de confiance politique et de fierté nationale les acquièrent. »

A la suite du monde bipolaire, le monde unipolaire semble lui aussi en train de s’effondrer, donnant naissance à un monde multipolaire où les possibilités de « l’Occident » sont en déclin, tandis que celles du « Reste » augmentent progressivement.

De fait, si l’Iran doit bien sûr être empêché d’obtenir une arme nucléaire - tout comme Israël et tous les autres devraient être obligés de mettre fin à leurs programmes et d’abandonner leurs stocks d’armes nucléaires existants - l’enjeu va bien au-delà.

Il s’agit d’un nouvel ordre qui va exiger des réponses très différentes à ce que nous connaissons aujourd’hui, si l’on veut que les problèmes brulants ne mènent pas à des affrontements dont personne ne sortira gagnant au bout du compte.

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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 13:52

« Ce que nous avons fait, c’est de sacraliser nos propres démocraties tout en soutenant au Moyen-Orient des dictatures qui sont autorisées à simuler la démocratie. » Au Moyen Orient, les prétentions de l’occident sont jaugées au poids des actes, et non pas de principes qu’il est le premier à bafouer lorsque ses intérêts sont en jeu, observe Robert Fisk, grand reporter pour The Independent, et fin connaisseur de la région.

Robert Fisk s’entretient avec New Internationalist Magazine, 

Comment est perçue au Moyen-Orient en ce moment la démocratie de style occidental ?

Il semble qu’il y ait de moins en moins de démocratie en Europe Le présidentialisme se renforce, les parlementaires n’ont tout simplement plus de pouvoir. Au Moyen-Orient, les gens s’informent sur l’Occident comme nous nous informons sur le Moyen-Orient. Ils connaissent les débats sur le « déficit démocratique », ils savent à quel degré les électeurs occidentaux se sentent de plus en plus lointains de leurs élus. Donc, de nombreuses personnes que je rencontre au Moyen-Orient se demandent pourquoi nous voulons prêcher la démocratie lorsque nous n’en jouissons que fort peu nous-mêmes.

Le mot est utilisé avec beaucoup de cynisme.

Je pense que beaucoup de gens ici aimeraient jouir de la démocratie ; ils aimeraient prendre quelques « paquets de droits de l’homme » sur les étagères de notre supermarché. Mais ce qui les préoccupe, c’est l’injustice. Et je ne pense pas que la justice soit quelque chose que nous soyons intéressés à accorder au Moyen-Orient.

Les élections sont au cœur de l’idée occidentale de démocratie. Quel effet produisent-elles au Moyen-Orient ?

Des effets grotesques. Chaque président prétend avoir tenu des élections sincères et chaque élection présidentielle est truquée. Voila pourquoi on apprend que M. Moubarak a obtenu 98% des suffrages et que Saddam en recueillait habituellement 100%. C’est une caricature, mais ce qui est intéressant c’est que les gens paraissent croire que la tenue d’élection accroît la légitimité même si c’est totalement truqué. Ils veulent pouvoir dire : « Nous avons également des élections, nous avons un parlement, nous avons un président, nous l’avons élu », même si nous savons tous que dans les pays arabes où se tiennent des élections - à l’exception du Liban, où existe une certaine impartialité dans le processus électoral - elles ne comptent pas réellement.

Les élections ici [au Moyen-Orient], sont un outil, un instrument. Elles ne sont pas destinées à manifester l’état d’esprit du peuple : elles sont destinées à manifester celui de l’homme qui sera élu.

Au Moyen-Orient on a des simulacres d’élections qui sont censées être réelles ; en Occident, on a de vrais scrutins qui, souvent, s’avèrent être des simulacres, en ce sens que nos députés ne font pas ce que nous voulions qu’ils fassent. Mais au moins, en occident, on peut être assuré que les votes seront comptés, qu’ils ne seront pas jetés dans le Nil ou brûlés nuitamment au ministère de l’Intérieur.

Reste que ce que nous avons fait, c’est de sacraliser nos propres démocraties tout en soutenant au Moyen-Orient des dictatures qui sont autorisées à simuler la démocratie. Nous étions les meilleurs amis de Saddam durant de nombreuses années. Nous aimons Moubarak, qui est un « modéré », bien que nous sachions que les élections présidentielles en des endroits comme l’Egypte ne sont qu’une imposture.

Que faudrait-il faire ?

Sommes-nous en train de dire : adoptez un peu de démocratie et vous serez comme nous ? Ou bien les abusons-nous en disant cela ? Nous croyons en la justice, mais nous ne rendons pas justice au Moyen-Orient, n’est-ce pas ? Il suffit d’observer la situation. Nous n’avons pas l’intention de laisser les Palestiniens retrouver leurs foyers. Nous prêchons la justice mais je ne pense pas que nous nous y intéressions.

Au Moyen-Orient, il existe une large compréhension des faits historiques, et de ce que nous [occidentaux] avons fait durant cette histoire. Donc, je ne suis pas vraiment certain qu’ils souhaitent de tout temps se procurer nos « produits », comme les droits de l’homme ou la démocratie, car nous ne leur avons pas apporté la preuve [de leur qualité]. En fait, nous les avons très souvent bombardés...

Lors de mes conférences aux États-Unis, au Canada, en Europe, pas mal de gens me demandent « que pouvons-nous faire ? » Auparavant, je répondais rejoignez Amnesty ou Human Rights Watch. Aujourd’hui, je leurs dis : venez observer le Moyen-Orient et renseignez-vous sur le sujet. Nous pouvons prendre position sur l’injustice qui règne dans la région afin que soit comprise la raison de cette fureur incendiaire que les gens ressentent envers l’occident, et les uns envers lesarton3077 autres. Mais nous ne pouvons certainement pas prêcher l’exemple de notre « merveilleuse » vie politique.


Publication originale New Internationalist Magazine

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