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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 19:31

remy-schwartz.jpg

Le changement dans la continuité. Lundi, le ministère de l’Intérieur a désigné Rémy Schwartz pour présider l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Problème : cet éminent juriste est également un dirigeant communautaire engagé, comme son prédécesseur, aux côtés d’Israël.

 

Souvenez-vous : en novembre dernier, l' appel à la démission d’Arno Klarsfeld, alors président en exercice de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, en raison de son soutien, révélé, en faveur des derniers bombardements israéliens de la bande de Gaza. Ce faisant, il trahissait manifestement son devoir de réserve, sur le plan politique, en tant que responsable d’un organisme public sous tutelle du ministère de l’Intérieur.


Aujourd’hui, le Journal Officiel annonce le remplacement d’Arno Klarsfeld par Rémy Schwartz, nommé par décret du Président de la République. Réaction laconique de l’ex-soldat de l’armée israélienne : « La gauche est plus sectaire que la droite sur les nominations. Mais en gros, je m'en fous de me faire virer, ce qui compte c'est le discours de François Hollande sur le Vel'd'Hiv ».

Laïcité à géométrie variable

Si son successeur est inconnu du grand public, il est, en revanche, réputé pour les spécialistes des questions communautaires. Conseiller d’Etat, Rémy Schwartz avait été, en 2003, le rapporteur de la Commission Stasi, à l’origine de l’interdiction des signes religieux -et plus spécifiquement, du foulard islamique- à l’école.  Six ans plus tard, il était également intervenu en faveur de la prohibition du niqab dans l’espace public.

Si Le MondeLa CroixLe Parisien et Europe 1 ne manquent pas de rappeler le brillant parcours de l’énarque, tous en omettent de signaler au citoyen la particularité de Rémy Schwartz : son engagement politico-communautaire. Président et cofondateur en 1995 de la Communauté juive libérale (CJL) d’Ile-de-France, l’homme a construit, en parallèle, une image de chantre de la laïcité lors de ses interventions devant les parlementaires à propos du foulard à l’école ou du niqab. Ce grand écart ne l’a pas empêché de rendre hommage, dans une lettre de décembre 2007, à Jacques Chirac et Bertrand Delanoë au sujet de leur assistance matérielle pour consolider son centre communautaire. Extraits :

« Monsieur le Maire, nous vous remercions de votre témoignage d’amitié. Nous vous exprimons bien évidemment notre gratitude pour le soutien sans faille que vous nous avez manifesté tout au long de ces années et qui nous a permis de réaliser ce centre communautaire. Sans vous, il n’aurait pu voir le jour. Nous tenons à exprimer également notre gratitude à vos prédécesseurs, le Président Jacques Chirac qui, maire de Paris, avait mis un local à notre disposition au tout début de notre communauté, à l’époque où nous nous réunissions dans un appartement. Jamais nous n’oublierons son aide immédiate et fondatrice. Notre gratitude va également à Jean Tibéri qui avait engagé la ville à conclure avec nous un bail emphytéotique ici même, rue Moufle. Vous avez amplifié le soutien de la municipalité, apportant aussi une aide décisive à notre association culturelle Nitsa (…)Notre gratitude s’exprime aussi à l’égard de la région Ile-de-France, qui a elle aussi apporté une aide importante à notre association culturelle Nitsa, aux élus du 11ème et à son maire qui nous ont accueilli chaleureusement et à votre adjointe, médiatrice de la ville, Frédérique Calandra, qui nous a toujours aidé à surmonter les difficultés administratives. Notre centre communautaire vous doit beaucoup ».

 

 

Le Nouvel Observateur du 13 avril 2006 faisait déjà savoir que « le bâtiment appartient à la Mairie de Paris qui a accordé un bail emphytéotique de 50 ans »tout en précisant que la municipalité avait également débloqué une« subvention de 250 000 euros »  à destination de ce centre cultuel présenté comme une« association culturelle ». Quant aux fonds provenant du Conseil régional, ils ont atteint la somme de 150 000 euros.



 

Sur la question d’Israël, Rémy Schwartz n’affiche pas exactement une attitude « libérale »ou progressiste  si l’on en juge par ses propos relatés dans la même lettre :


 

 

« Enfin, nous vous savons gré de vos voeux de sécurité pour Israël. Vous connaissez notre attachement indéfectible à cet Etat, si petit dans le monde mais objet du maximum de haine. Il n’est pas d’autre Etat dans le monde de moins de 7 millions d’habitants sur un confetti de territoire qui soit, sans discontinuité depuis sa création, menacé en permanence de destruction. S’il est une singularité de notre pays, c’est bien dans sa façon dont les médias ont pu traiter Israël pendant des années, présentant cette démocratie isolée dans son environnement, comme le responsable de l’essentiel des malheurs du Proche Orient ».



 

De même que l’islamophobie attisée par les lois anti-foulard et anti-burqa de 2004 et 2009 n’a jamais fait l’objet d’une quelconque condamnation pour celui qui fut impliqué dans la procédure législative, de même le sort des Palestiniens n’est pas évoqué dans sa plaidoirie en faveur du régime de Tel Aviv. Dans un entretien accordé en 2008 à la revue Droit et Société, l’intéressé rend par ailleurs hommage à Jean-Pierre Elkabbach, à l’origine de la retransmission audiovisuelle des auditions de la Commission Stasi, ainsi qu’à la romancière Chahdortt Djavann  -qu’il avait personnellement sollicité- pour son témoignage virulent  contre le voile, comparé systématiquement à « l’étoile jaunede la condition féminine ».D’origine iranienne, celle qui fut conviée par Rémy Schwartz à participer aux auditions avait ainsi favorisé sa propre carrière médiatique à la faveur d’une expression alors en vogue et maintes fois répétée : le « fascisme islamique ». 




 

La signature de Valls



 

Arno Klarsfeld avait sans doute le tort d’être trop proche de Nicolas Sarkozy pour demeurer dans ses fonctions. Qu’il se rassure : Rémy Schwartz, dont il salue aujourd’hui la « compétence », partage les mêmes accointances idéologiques. Cependant, sur le fond, il n’est pas certain que la désignation d’un activiste communautaire, attaché de manière « indéfectible » à Israël et propulsé à la tête d’un organisme chargé de l’intégration française, soit un signe de concorde nationale. Imagine-t-on un seul instant Manuel Valls suggérer à François Hollande la nomination à la présidence de l’OFII d’un leader musulman -à la fois culturel et religieux- de Barbès qui aurait déclaré sa flamme pour la Palestine ?

 

 


 

 


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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 16:50

JOHANNESBURG (Afrique du Sud) — Des mineurs en grève ont mis le feu à un véhicule de police dans la nuit de vendredi à samedi près d’une mine du numéro un mondial du platine Anglo American Platinum (Amplats) à Rustenburg, dans le nord de l’Afrique du Sud, a indiqué samedi la police.

Des affrontements ont éclaté entre un millier de mineurs qui se dirigeaient vers le puits de Khomanani et la police qui tentait de les disperser. Ils « ont résisté et nous avons dû utiliser des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour les disperser », a déclaré un porte-parole de la police, Thulani Ngubane.

« Ils ont répliqué en lançant des engins incendiaires et ont mis le feu à un véhicule de la police », a-t-il ajouté.

Quatre personnes ont été arrêtées à l’issue des affrontements et doivent être traduites en justice lundi.

Selon M. Ngubane, les mineurs avaient l’intention de mettre le feu au puits.

Ils faisaient partie des 12.000 mineurs auxquels la compagnie a notifié leur licenciement pour absence injustifiée.

Les grévistes n’ont pas tenu compte de cette notification et annoncé qu’ils poursuivraient leur mouvement.

Vendredi, Amplats avait annoncé que la grève sauvage de ses mineurs de Rustenburg avait provoqué un manque à gagner de 1,1 milliard de rands (98 millions d’euros).

L’Afrique du Sud est touchée depuis août par une vague de grèves sauvages qui a démarré de façon sanglante dans une mine de platine à Marikana (nord). Depuis, plus de 50 personnes ont été tuées dans des violences lors de ces mouvements de grève.

AFP

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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 16:47

En réalité, il n’existe pas plus d’« Occident » unitaire que d’« Orient » homogène. Quant à la notion d’« Occident chrétien » elle a perdu toute signification depuis que l’Europe a majoritairement versé dans l’indifférentisme et que la religion y est devenue une affaire privée. L’Europe et l’Occident se sont totalement disjoints – au point que défendre l’Europe implique bien souvent de combattre l’Occident. Ne se rapportant plus à aucune aire géographique ni même culturelle particulière, le mot « Occident » devrait en fait être oublié. 
Parlons donc plutôt de l’Europe.(...) L’Europe paraît aujourd’hui en déclin sur tous les plans. L’Europe n’est pas seulement l’« homme malade de la planète économique » (Marcel Gauchet). Elle connaît une crise sans précédent de l’intelligence et de la volonté politique. Elle aspire à sortir de l’histoire, portée par l’idée que l’état présent des choses est appelé à se maintenir indéfiniment, qu’il n’en est pas d’autre possible, et surtout qu’il n’en est pas de meilleur.(...)
Quand une culture s’achève, une autre peut toujours la remplacer. L’Europe a déjà été le lieu de plusieurs cultures, il n’y a pas de raison qu’elle ne puisse pas être encore le foyer d’une culture nouvelle, dont il s’agit alors de déceler les signes avant-coureurs. Cette nouvelle culture fera suite à la précédente, mais n’en sera pas le prolongement. Plutôt que de verser dans des lamentations inutiles, il vaut mieux avoir le regard assez aigu pour voir où – dans quelles marges – croît ce qui permet de garder espoir.

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30 août 2012 4 30 /08 /août /2012 17:01

La vision d’Israël en tant que creuset d’une nouvelle identité est morte, écrit Uri Avnery : « Israël est désormais une sorte de fédération de plusieurs grands blocs démographiques et culturels qui dominent notre vie sociale et politique. » Il affirme que le ressentiment qu’entretiennent les derniers arrivants, d’abord Sépharades, puis Russes, contre les Ashkénazes qui forment l’essentiel de l’élite du pays, structure aujourd’hui la vie politique, et bloque les perspectives de paix.

 

Uri-Avnery.jpg« Israël n’a pas de politique étrangère, seulement une politique intérieure », a déclaré un jour Henry Kissinger.

Ce fut probablement le cas pour tous les pays depuis l’avènement de la démocratie. Pourtant, en Israël, cela semble encore plus vrai. (Ironiquement, on pourrait presque dire que les Etats-Unis n’a pas de politique étrangère, mais uniquement une politique intérieure israélienne.)

Afin de comprendre notre politique étrangère, nous devons nous regarder dans le miroir. Qui sommes-nous ? A quoi ressemble notre société ?

 

Dans une histoire humoristique célèbre, bien connue de chaque israélien de longue date, deux Arabes se tiennent sur le rivage, face à la mer, regardant un bateau plein de pionniers juifs russes ramer vers eux. « Que votre maison soit détruite ! » s’exclament-ils.

Ensuite, deux personnages identiques, mais cette fois il s’agit des immigrants juifs russes, se tiennent au même endroit, et lançant des malédictions en russe à un bateau plein d’immigrants yéménites.

 

Puis, les deux Yéménites maudissent des réfugiés juifs allemands fuyant les nazis. Puis, deux juifs allemands maudissent l’arrivée de Marocains. Quand cette histoire est née, elle s’arrêtait là. Mais on peut désormais y ajouter deux Marocains maudissant les immigrants de la Russie soviétique, puis deux Russes maudissant les derniers arrivants : les juifs éthiopiens.

Cette histoire pourrait s’appliquer à tous les pays d’immigration, des États-Unis à l’Australie. Chaque nouvelle vague d’immigrants est accueillie par le mépris, voire l’hostilité ouverte de ceux qui sont arrivés avant eux. Quand j’étais enfant, au début des années 1930, j’ai souvent entendu des gens crier à mes parents, « Retournez chez Hitler ! »

 

Pourtant, la conception alors dominante, était celle du « melting pot ». Tous les immigrants seraient mélangés dans le même creuset et, débarrassés de leurs traits « étrangers », en émergeraient formant une nouvelle nation unifiée, sans aucune trace de leur origine.

Ce mythe est mort il y a quelques décennies. Israël est désormais une sorte de fédération de plusieurs grands blocs démographiques et culturels qui dominent notre vie sociale et politique.

Qui sont-ils ? Il y a : 1) les anciens ashkénazes (juifs d’origine européenne), 2) les juifs d’Orient (ou « séfarades »), 3) les religieux (en partie ashkénazes, en partie orientaux), 4) les « Russes », les immigrés de tous les pays de l’ancienne Union soviétique, et 5) les citoyens palestiniens arabes, qui ne viennent de nulle part.

 

C’est là, bien sûr, une présentation schématique. Aucun bloc n’est complètement homogène. Chacun inclut plusieurs sous-ensembles. Certains blocs se chevauchent - il y a quelques mariages mixtes - mais dans l’ensemble, l’image est précise. Les deux genres ne jouent aucun rôle dans cette division.

 

La scène politique reflète presque exactement ces divisions. Le parti Travailliste était, à son apogée, le principal instrument de la puissance ashkénaze. Ses restes, avec Kadima et le Meretz, sont encore ashkénazes. Israël Beitenou d’ Avigdor Lieberman se compose principalement de Russes. Il ya trois ou quatre partis religieux. Puis il y a deux partis exclusivement arabe, et le parti Communiste, qui est majoritairement arabe, lui aussi. Le Likoud représente la majeure partie des Orientaux, bien que pratiquement tous ses dirigeants soient ashkénazes.

 

La relation entre les blocs est souvent tendue. En ce moment même, le pays tout entier est en émoi car à Kiryat Malakhi, une ville du sud dont les habitants sont essentiellement des orientaux, et où les propriétaires de biens immobilier ont signé un engagement à ne pas les céder aux Éthiopiens, tandis que le rabbin de Safed, une ville du nord peuplée de juifs essentiellement orthodoxes, a interdit à ses ouailles de louer des appartements à des Arabes.

 

Mais en dehors de la rupture entre les Juifs et les Arabes, le problème principal est le ressentiment des Orientaux, des Russes, et des religieux contre ce qu’ils appellent « l’élite ashkénaze. »

Dans la mesure où ce furent les premiers arrivants, bien avant la création de l’État, les Ashkénazes contrôlent la plupart des centres de pouvoir - sociaux, politiques, économiques, culturels, etc. Généralement, ils appartiennent à la partie la plus aisée de la société, tandis que les Orientaux, les orthodoxes, les Russes et les Arabes appartiennent généralement à des couches socio-économiques inférieures.

 

Les Orientaux entretiennent des rancunes profondes contre les Ashkénazes. Ils croient - non sans raison - qu’ils ont été humiliés et discriminés dès leur premier jour dans le pays, et le sont encore, bien qu’un assez grand nombre d’entre eux aient atteint des positions économiques et politiques élevées. L’autre jour, un directeur de l’un des grands établissements financiers a provoqué un scandale en accusant les « blancs » (c’est à dire, les Ashkénazes) de dominer l’ensemble des banques, des tribunaux et des médias. Il a rapidement été licencié, ce qui a provoqué un autre scandale.

 

Le Likoud est arrivé au pouvoir en 1977, en détrônant le parti travailliste. Avec de courtes interruptions, il a conservé le pouvoir depuis lors. Pourtant, la plupart des membres du Likoud ont toujours le sentiment que les Ashkénazes gouvernent Israël, les reléguant loin en arrière. Aujourd’hui, 34 ans plus tard, la triste vague de lois anti-démocratique promues par les députés du Likoud est justifiée par le slogan « nous devons commencer à gouverner ! »

 

Cette scène me fait penser à un chantier entouré d’une clôture en bois. Futé, le promoteur a laissé quelques trous dans la clôture, de sorte que les passants curieux peuvent regarder. Dans notre société, tous les autres blocs se sentent comme des étrangers regardant à travers les trous, emplis d’envie pour « l’élite » des Ashkénazes située à l’intérieur, vivant dans l’aisance. Ils détestent tout ce qu’ils relient à cette « élite » : la Cour suprême, les médias, les organisations de défense des droits de l’homme, et en particulier le camp de la paix. Tous sont qualifiés de « gauchistes », un mot assez curieusement identifié avec « l’élite ».

 

Comment la « paix » est-elle devenue associée à des ashkénazes dominants et dominateurs ?

C’est l’une des grandes tragédies de notre pays.

Les Juifs ont vécu pendant de nombreux siècles dans le monde musulman. Là, ils n’ont jamais vécu les choses terribles commises en Europe par l’antisémitisme chrétien. L’animosité entre juifs et musulmans a débuté il y a un siècle seulement, avec l’avènement du sionisme, et pour des raisons évidentes.

 

Lorsque les Juifs des pays musulmans ont commencé à arriver en masse en Israël, ils étaient imprégnés de culture arabe. Mais, ils ont été reçus ici par une société qui tenait tout ce qui était arabe dans un mépris total. Leur culture arabe était jugée « primitive », tandis que la vraie culture était européenne. Plus encore, ils ont été identifiés avec les musulmans meurtriers. En raison de quoi, les immigrés étaient tenus d’abandonner leur culture et leurs traditions, leurs accents, leurs souvenirs, leur musique. Afin de montrer à quel point ils étaient devenus israéliens, ils devaient aussi haïr les Arabes.

 

C’est bien sûr un phénomène mondialement observé. Dans les pays multinationaux, la classe la plus opprimée de la nation dominante est aussi la plus nationaliste, l’ennemie la plus radicale des minorités. L’appartenance à la nation supérieure est souvent la seule source de fierté qu’il leur reste. Avec, pour résultat fréquent, un racisme et une xénophobie virulentes.

C’est l’une des raisons pour lesquelles les Orientaux ont été attirés par le Likoud, pour qui le rejet de la paix et la haine des Arabes sont des vertus suprêmes. Aussi, après avoir été dans l’opposition depuis des lustres, le Likoud a été considéré comme le représentant de ceux qui se sentaient « en dehors » pour combattre ceux qui étaient « à l’intérieur. » C’est toujours le cas.

 

Le cas des « Russes » est différent. Ils ont grandi dans une société qui méprise la démocratie, et admiré des leaders forts. Les Russes « blancs » et les Ukrainiens méprisaient et haïssaient les peuples « sombres » du Sud - Arméniens, Géorgiens, Tatars, Ouzbeks, et autres. (A ce sujet, j’ai inventé une formule : « Bolchevisme moins marxisme égale fascisme »)

 

Lorsque les Juifs russes sont venus se joindre à nous, ils ont apporté avec eux un nationalisme virulent, un désintérêt total de la démocratie, et une haine automatique des Arabes. Ils ne peuvent absolument pas comprendre pourquoi nous leur avons permis de rester ici. Cette semaine, lorsqu’une « dame » députée originaire de Saint-Pétersbourg, (même si « dame » peut sembler un euphémisme) a renversé un verre d’eau sur la tête d’un député arabe du parti travailliste, personne n’a été très surpris. (Quelqu’un a ironisé : « un bon Arabe est un Arabe mouillé »). Pour les adeptes de Lieberman, « paix » est un mot sale, tout comme « démocratie ».

 

Pour les religieux de toutes les nuances - des ultra-orthodoxes aux colons religieux nationalistes, cela n’est absolument pas un problème. Depuis l’enfance, ils apprennent que les Juifs sont le peuple élu, que le Tout-Puissant nous a personnellement promis ce pays, que les goyim - y compris les Arabes - sont simplement des êtres humains inférieurs.

 

On peut dire, à juste titre, que je généralise. Je le fais, uniquement pour simplifier les choses. Il y a en effet beaucoup d’Orientaux, surtout dans la jeune génération, qui sont choqués par l’ultra-nationalisme du Likoud, d’autant plus que le néolibéralisme de Benjamin Netanyahu (que Shimon Pérès avait autrefois appelé « capitalisme dégueulasse ») est en contradiction directe avec les intérêts essentiels de leur communauté. Il y a aussi beaucoup de gens convenables, libéraux, épris de paix, qui sont religieux. (le nom de Yeshayahu Leibovitz vient à l’esprit.) Certains Russes quittent peu à peu leur ghetto auto-imposé. Mais ce sont de petites minorités dans leurs communautés. La majeure partie des trois blocs - Oriental, Russe et Religieux - sont unis dans leur opposition à la paix et, au mieux, indifférents à la démocratie.

 

Ensemble, ils forment cette coalition de droite, opposée à la paix, qui gouverne Israël aujourd’hui. Le problème n’est pas seulement politique. Il est beaucoup plus profond - et beaucoup plus ardu.

Certaines personnes accusent le mouvement démocratique pour la paix, de ne pas avoir pris conscience de ce problème suffisamment tôt et de ne pas avoir assez fait pour attirer les membres de ces divers blocs vers les idéaux de paix et de démocratie. On nous dit également que nous n’avons pas su montrer que la justice sociale est indissolublement liée à la démocratie et la paix.

Je dois accepter ma part de blâme pour cet échec, même si je dois souligner que j’ai essayé de faire le lien dès le début. J’ai demandé à mes amis de concentrer nos efforts sur la communauté orientale, de leur rappeler les gloires de l’ « âge d’or » judéo-musulman en Espagne, et de l’énorme impact réciproque des scientifiques juifs et musulmans, des poètes et des penseurs religieux à travers les âges.

 

Il y a quelques jours, j’ai été invité à donner une conférence devant les étudiants de l’Université Ben Gourion de Beersheba. J’ai décrit la situation plus ou moins dans les mêmes termes qu’aujourd’hui. La première question posée par une audience large, qui se composait de Juifs ( Orientaux et Ashkénazes) et Arabes (Bédouins en particulier), fut : « alors, quel espoir y a-t-il ? Face à cette réalité, comment les forces de paix peuvent-elles l’emporter ? »

Je leur ai dit que je place ma confiance en la nouvelle génération. L’énorme mouvement de protestation sociale, qui a éclaté soudainement l’été dernier et rassemblé des centaines de milliers de personnes, a montré que oui, cela peut arriver ici. Ce mouvement a réuni Ashkénazes et Orientaux. Des villes de tentes ont surgi à Tel Aviv et Beer-Sheva, en tous lieux.

Notre première tâche est de briser les barrières entre les blocs, de transformer la réalité, de créer une nouvelle société israélienne. Nous avons besoin de blockbusters, de casseurs de blocs.

Certes, c’est un travail difficile. Mais je crois qu’il peut être accompli.


Publication originale Gush Shalom

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30 août 2012 4 30 /08 /août /2012 16:46

[Afrique du Sud] Grévistes massacrés en défense du capital

samedi 25 août 2012, par XYZ

A la suite du massacre de la mine de Marikana le 16 août dernier, et les jours précédents, nous publions deux documents provenant de deux organisations sociales des « damnés de la terre » sud-africains opposées au gouvernement de Jacob Zuma et de l’ « alliance tripartite » de la gauche politique et syndicale regroupant l’ANC, le Parti Communiste et le Congrès des syndicats (COSATU).

Le bilan total officiel des tueries s’établit actuellement à 44 morts, 34 lors de l’assaut policier et 10 autres (dont 2 policiers) au cours des attaques précédentes menées soit par la police, soit par des gardes de sécurité, soit par des nervis du syndicat officiel des mineurs (NUM), le 10 août dernier, qui voulaient empêcher par la force le déclenchement de la grève, déclarée « illégale » par le gouvernement car échappant au syndicat officiel des mineurs.

Tandis la direction de l’ANC exprimait ses « condoléances » aux familles des victimes et que la COSATU appelait les travailleurs sud-africains à« maintenir la cohésion et l’unité face aux tentatives de division et de déstabilisation », en référence au syndicat dissident AMCU (Association des mineurs et du syndicat de la construction), le Parti Communiste d’Afrique du sud n’a pas hésité à aller encore plus loin dans l’ignominie. Après le massacre, non seulement il défend l’action de la police mais a exigé l’« arrestation immédiate » des leaders du syndicat AMCU dont le développement dans cette mine est directement né du conflit en cours, qu’il accuse de semer le chaos sous prétexte de conflit social (et d’être selon les termes du communiqué, « les coordonnateurs, les planificateurs et les leaders de cette violence anarchique entre travailleurs », “SACP North West Media Statement, 17 August 2012”). Dans le même communiqué, le PC demande la création d’une « commission d’enquête présidentielle » spécialement sur le syndicat AMCU lui-même « partout où il s’implante », de vérifier s’il ne commet pas d’illégalités, de« renforcer la LRA, [la loi sur les relations du travail] sur la formation des syndicats » contre « la situation actuelle où les individus ont le droit de former un syndicat comme d’ouvrir des comptes personnels ou de souscrire des polices d’assurance », et finalement de tout faire pour empêcher qu’il se développe.

Les 3/4 des mineurs ont désobéi aux injonctions à reprendre le travail et aux menaces de licenciements proférées, sous forme d’un ultimatum aux grévistes, par la direction de la société Lomnin exploitant la mine de platine de Marikana, société au conseil d’administration de laquelle siège Cyril Ramaphosa, milliardaire, membre éminent de l’ANC, de la Coca-Cola Compagny, du conseil d’administration d’Unilever Afrique du sud, patron entre autre des 145 restaurants de la franchise Mc Donald’s dans le pays, ex-sympathisant communiste et ancien dirigeant du syndicat des mineurs NUM.

Le mouvement se poursuit. L’ultimatum de la direction a été annulé. Dans au moins deux autres mines – celle de Thembelani de la société Anglo American Platinum’s (Amplats) et celle de Rasimone de la compagnie Royal Bafokeng Platinium – des revendications ont été formulées et des débrayages ont eu lieu dans la semaine. L’attaque meurtrière de la police a aussi laissé 78 blessés hospitalisés. Plusieurs centaines de grévistes ont été arrêtés et passés à tabac par les policiers. Plus de cent plaintes pour violence auraient été déposées contre la police.

Passées les obsèques officielles, tout peut de nouveau encore arriver dans ce conflit de classe qui, d’ores et déjà, marquera un tournant dans une période post apartheid qui avait vu se nouer une alliance entre la vieille bourgeoisie blanche, surtout d’origine britannique et industrielle qui détenait, et détient encore pour l’essentiel, les leviers économiques de l’accumulation et la « nouvelle bourgeoisie » noire montante, de gauche, politique et syndicale, issue de la lutte contre l’apartheid et dont les compromissions intéressées de ses leaders et apparatchiks ont permis d’accélérer sa victoire, de s’emparer des institutions du pouvoir politique et à partir de 1994 de se voir attribuée une fraction de la propriété du capital, notamment dans les assurances, les banques, le secteur minier (jusqu’à 26% selon la Charte minière de 2002).

Un compromis historique, une alliance de classe et d’intérêts bien compris que ce conflit, et cette sanglante répression du mois d’août 2012, a au moins le triste mérite de révéler au grand jour, si l’on ne s’arrête pas à ce que répète en boucle la presse mainstream reprenant la thèse dominante du conflit qui serait intersyndical et causé par la surenchère d’un petit groupe d’agitateurs… air connu.

Nous publions deux documents qui illustrent bien le contexte de ce conflit et montrent qu’il n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, mais s’inscrit dans une longue histoire de misère, d’exploitation, de rébellions et de répression que la fin de l’apartheid, il y a 20 ans, n’aura modifié qu’en surface.

XYZ


« Marikana montre que nous vivons dans une prison démocratique »

par Bandile Mdlalose (mouvement Abahlali baseMjondolo)

L’Afrique du Sud a la plus belle Constitution de tous les pays. Sa beauté est parfaitement attestée et respectée. Mais nous vivons dans une prison démocratique.

Nous devons saluer le combat du Docteur Nelson Mandela, de Steve Biko et les luttes de la communauté des années 1980, de la jeunesse de 1976 [Soweto] et des ouvriers de 1973 [vague de grèves dans la région de Durban]. Les luttes du passé ont vaincu les Boers Blancs et nous ont apporté la démocratie avec tous ces beaux droits sur le papier. Nous avons tant de droits attestés, comme le droit au logement et à la protestation. Mais chaque jour, nos droits sont violés par les Boers Noirs. Ils ont fait le serment de protéger nos droits, mais le serment était un faux serment.

Au lieu de soutenir les luttes du peuple afin que nous puissions faire une véritable démocratie et faire de nos droits une réalité, ils envoient leurs forces de sécurité et de police pour expulser les pauvres, pour nous enfermer en dehors des villes et écraser nos luttes. Au lieu de travailler avec le peuple pour transformer la société, ils répriment le peuple pour protéger la société inégalitaire qu’ils ont pris en charge en 1994.

Les politiciens ne se sont pas unis avec le peuple. Ils se sont unis avec les capitalistes. Le résultat de cette nouvelle alliance entre les politiciens et les capitalistes, c’est que le 1% de l’élite prend pour elle-même la plupart des fruits de cette démocratie. Les classes moyennes ont toujours leurs belles vies, mais pour les pauvres, avec ou sans emploi, les choses ont empiré et elles continuent d’empirer.

Les arrestations, les passages à tabac, la torture, la destruction des maisons des gens et les tueries ont continué après l’apartheid. Maintenant, nous avons aussi le massacre.
Chaque année, les Boers Noirs nous disent de nous rappeler de 1976, mais ils ne disent rien à propos de la répression de nos luttes après l’apartheid. Ils ne disent rien à propos de Thembinkosi Mpanza et de Vukani Shange, abattus par la Farm Watch [gardes armés, association des fermiers dédiée à la Surveillance des Fermes] à eMasangweni en 2006. Ils ne disent rien au sujet des attaques de la police contre Abahlali baseMjondolo en 2008, les attaques armées contre notre mouvement à Kennedy Road [Durban] en 2009 et la répression de la Campagne anti-expulsion [Anti-Eviction Campaign], le Mouvement des Sans Terre [Landless People’s Movement], le Mouvement des Chômeurs [Unemployed People’s Movement]. Ils ne disent rien à propos de l’assassinat par la police de Andries Tatane l’année dernière ni de la longue liste des personnes qui ont été tuées par la police alors qu’ils protestaient.

Maintenant que les grévistes de Marikana ont été tués, ils en parlent comme s’il s’agissait d’une catastrophe naturelle, alors qu’en fait c’est une catastrophe politique perpétrée par les capitalistes et les politiciens.

Allons-nous rester les bras croisés et regarder chacun de nos mouvements se faire écraser un par un ? Combien d’entre nous doivent mourir avant que nous soyons reconnus et inclus dans la société ? Combien d’entre nous doivent mourir avant que la terre et la richesse soit équitablement partagées et que chacun ait son mot à dire dans toutes les décisions qui le concernent ? Quand les opprimés se lèveront-ils et parleront-ils d’une seule voix ?

Nous sommes traités comme cela parce que nous sommes pauvres. Nous ne sommes pas autorisés à exercer nos droits face au gouvernement. Sur le papier, les droits sont pour tout le monde. En réalité, ils ne sont là que pour les riches. Nos droits sont bien connus car ils sont écrits, mais ils ne sont pas mis en application. L’alliance entre les politiciens et les capitalistes a créé une prison démocratique. Nous pouvons voter, mais seulement pour notre propre oppression. Nous pouvons voter, mais l’État continue d’ignorer la loi quand il s’agit de pauvres. Il est normal pour nous d’être expulsés et réprimés, même si ces choses sont illégales. C’est pourquoi les gens commencent à appeler les politiciens des Black Boers [des Boers Noirs]. Oui, ils gouvernent le pays, mais ils ne le gouvernent pas pour nous ou avec nous.

Pendant des années, les luttes de la communauté ont été attaquées. Qui aurait imaginé que les luttes actuelles des travailleurs seraient également attaquées par la police ? La lutte se propage à partir des cabanes vers les mines et des mines elle revient aux cabanes. En regardant le silence de la COSATU [confédération des syndicats] et l’ensemble des associés des Boers Noirs, je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qu’il va se passer à partir de maintenant. Il semble que les pauvres sont de notre côté. Il semble que beaucoup d’entre nous devront être emprisonnés, battus et tués avant que nous comptions dans cette société.

Je souhaite que chaque personne regarde soigneusement cette soi-disant démocratie. Je souhaite à chacun et chacune de se demander si nous sommes réalistes quand nous disons que nous sommes dans une démocratie ou si nous vivons vraiment dans une prison démocratique. Il est clair que nous n’avons pas réellement les droits et libertés qui sont écrits dans la Constitution. Il est clair que nos gouvernants utilisent la force armée pour nous exclure de la société et pour nous réprimer quand nous résistons. Regardez ce qui est arrivé à Abahlali baseMjondolo en 2009. Regardez ce qui est arrivé au Mouvement des Sans Terre en 2010. Regardez ce qui est arrivé à Andries Tatane l’année dernière [un manifestant abattu en pleine rue par la police en avril 2011]. Regardez ce qui est arrivé au Mouvement des Chômeurs récemment. Regardez ce qui est arrivé aux grévistes de Marikana.

Ne nous leurrons pas en disant que nous sommes dans un pays démocratique alors que nous sommes dans une prison démocratique.

Les Boers Noirs pensent que nous, les pauvres, nous sommes ‟Dom”. Ils pensent qu’en nous faisant voter pour eux et qu’en nous souvenant de la lutte contre les Boers Blancs, nous penserons que nous sommes ‟Free”[2]. Nous avons seulement été libérés du régime de l’apartheid et de la domination des Boers Blancs, mais le même système qui rend certaines personnes riches et d’autres pauvres existe toujours. Le même système qui maintient solidement les pauvres à l’écart et réprime nos luttes existe toujours.

Il est clair que ce pays est dirigé par la main sanglante et que, tant qu’il est pris par la même main sanglante, nous continuerons à verser notre sang. Mais nous les pauvres nous devons mettre un terme à cela et nous libérer de telle sorte que nos enfants soient heureux de vivre dans notre pays. Nous devons façonner notre propre avenir, car de la façon dont nous vivons, nous ne faisons que garantir l’avenir des Boers Noirs. Nous avons besoin d’un pays dans lequel il n’y a plus de Boers, de quelque couleur qu’ils soient. Nous avons besoin d’un pays où nous sommes tous, juste des gens, des gens qui comptent tous autant et ont les mêmes droits.

Personne ne nous fournira la liberté. Nous devons nous battre pour prendre notre propre liberté dans nos propres mains. Mais la politique de la main sanglante est la politique des Boers, noirs et blancs. Notre politique doit être différente et meilleure. Notre politique doit être la politique d’un peuple organisé, uni et déterminé.

Bandile Mdlalose

Bandile Mdlalose est la secrétaire générale du mouvement Abahlali baseMjondolo.

_ _ _ _

Note de la traduction :

[1] En septembre 2009, un rassemblement contre les conditions de vie, organisé par le mouvement Abahlali baseMjondolo (AbM) dans le bidonville de Kenedy Road (Durban, province du KwaZulu-Natal) a été attaqué par une bande d’une quarantaine de nervis et de militants locaux de l’ANC équipés d’armes à feu, de bâtons et de couteaux.
Cette descente, qui s’est faite en plusieurs fois, procédait à la fois du nettoyage ethnique (nationalisme zulu) et de la liquidation politique (écraser un mouvement social dissident en pleine expansion). La police, présente sur place, n’est pas intervenue. Il y a eu plusieurs morts, les cabanes des militants du AbM détruites, ces militants ont été arrêtés ou contraints à la clandestinité et un millier de sans-abris non-zulus (sur 7 000 habitants du bidonville) contraints de quitter les lieux. Des cadres de l’ANC sont ensuite venus prendre le contrôle politique du bidonville.

[2] Jeu de mots à partir de Freedom : Free = libre et Dom, qui vient de l’anglais et du hollandais anciens, et voulant dire : appartenant à un domaine, à un territoire, à une juridiction. Ainsi, on est “free” ou “dom” ; c’est pas la même chose…

_ _ _

Ce mouvement des shack dwellers (littéralement « habitants des cabanes ») s’est donné le nom d’Abahlali baseMjondolo (en zulu, « mouvement des habitants des cabanes de bidonvilles »).
C’est à la fois un mouvement de défense des habitants des cabanes, des squatters, pour une vie digne, le « droit à la ville », mais aussi un mouvement de base qui cherche à construire une « politique de l’opprimé », dans une démarche autonome, « par et pour les pauvres ». AbM refuse les partis politiques, boycotte les élections (« No land, no house, no vote ! »), se réfère à l’autonomie, pratique l’action directe et la désobéissance, insiste sur les processus délibératifs et démocratiques, regroupe les habitants sans tenir compte de l’ethnie ou la nationalité, évoque parfois la perspective d’un « communisme vivant ».
Le mouvement est né en 2005 dans le bidonville de Kennedy Road (banlieue de Durban). Il existe maintenant dans les villes de Pietermaritzburg et la zone ouest du Cap.

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30 août 2012 4 30 /08 /août /2012 16:45

Des perturbations ont eu lieu à l’Université de Montréal (UdeM) et à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), en ce jour de rentrée universitaire pour les étudiants qui étaient en grève contre la hausse des droits de scolarité au printemps dernier.

Selon la direction de l’UdeM, des étudiants cagoulés et favorables à la grève se seraient barricadés dans un local de l’établissement afin de perturber la tenue des cours. L’Université aurait alors demandé l’intervention du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM).

En revanche, les étudiants soutiennent qu’ils ont été enfermés dans une classe contre leur gré par des gardiens de sécurité.

Au total, à l’UdeM, 19 étudiants ont été interpellés en vertu de la loi 12 (projet de loi 78), qui interdit notamment d’entraver le retour en classe. Ces étudiants ont été tenus à l’écart avant d’être relâchés avec de la documentation sur cette législation. Leur sort est désormais entre les mains de la Direction des poursuites criminelles et pénales, qui décidera de donner suite à ces interpellations ou non.

Par ailleurs, un jeune homme de 21 ans a été arrêté en vertu du Code criminel pour voies de fait à l’égard d’un policier.

À l’UQAM, où environ 9000 étudiants sont toujours en grève, des militants en faveur de la poursuite de la grève, dont certains étaient masqués, ont fait irruption dans des classes. Des cours ont dû être annulés.

Il n’y a pas eu d’intervention policière à l’UQAM, mais la direction a publié un communiqué en fin de journée, pour lancer un appel au calme et expliquer pourquoi elle n’a pas demandé l’aide du SPVM.

« Compte tenu de la situation actuelle, la direction juge très risqué de tenter de contraindre, par la force, le retour en classe sans mettre en péril la sécurité des personnes et des biens dont elle est responsable », est-il écrit dans le communiqué. La direction de l’UQAM appelle ainsi « l’ensemble de la communauté universitaire » au « calme et au respect ».

Pour que la police intervienne dans un établissement universitaire, il faut que le recteur ou son représentant en fasse la demande.

En assemblée générale la semaine dernière, la majorité des associations étudiantes ont choisi de mettre fin à la grève ou de la suspendre jusqu’aux élections du 4 septembre.

La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) a demandé à ses membres de respecter les mandats votés par les assemblées générales et a assuré que son organisation surveillait avec attention la rentrée des classes prévue par la loi 12. Mais le message ne semble pas être passé partout.

La présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, a déploré sur RDI les « actes d’intimidation et de violences qui ont été perpétrés de part et d’autre ».

« Le fait d’avoir par exemple des policiers qui sont à la porte des cours [...], on ne devrait pas excuser ça dans un contexte où l’université est publique », a estimé Mme Desjardins. « D’un autre côté, aller [insulter] certains professeurs [...] parce qu’ils décident de donner les cours, ça dépasse les bornes. Évidemment de chaque côté, on dénonce clairement les abus », a-t-elle poursuivi.

À l’UdeM, une dizaine d’associations représentant 2811 étudiants ont de leur côté choisi de poursuivre la grève. Les quelque 9000 étudiants en sciences humaines, en arts et en sciences politiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ont également opté pour la reconduction de la grève.

Des étudiants de l’Université du Québec en Outaouais, de l’Université de Sherbrooke et de l’Université Laval ont eux aussi refusé de mettre fin à la grève.

Les professeurs de l’UQAM menacent de débrayer

« On va offrir les cours aux étudiants qui vont se présenter en classe », avait indiqué en début de journée Daniel Zizian, président-directeur de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) en entrevue à Radio-Canada. « Quant aux étudiants qui décident de ne pas se présenter, ils courent le risque d’obtenir la mention abandon ou échec », a-t-il ajouté.

Au total, 44 associations – représentant environ 30 000 étudiants universitaires – affiliées à la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) ont toujours un mandat de grève générale illimitée et ne retourneront pas en classe lundi.

Les professeurs de l’UQAM pourraient également débrayer s’ils jugent que les conditions optimales d’enseignement ne sont pas réunies. Jeudi dernier, ils ont approuvé à 65 % une résolution avec laquelle ils pourraient refuser de donner des cours.

Le choix pour les enseignants de ne pas donner les cours contreviendrait à leur convention collective et à la loi 12, mais le projet de résolution indique que l’assemblée aura été « informée des conséquences qui peuvent découler » de cette infraction.

Alors qu’une centaine de professeurs de l’UQAM demandent à l’établissement de ne pas appliquer la loi spéciale, la direction tient à rappeler tant aux associations étudiantes qu’aux professeurs les obligations découlant de la loi spéciale adoptée par le gouvernement Charest, les exhortant de « prendre les moyens appropriés pour offrir ces cours ».

« La loi 12 prévoit spécifiquement que toutes les personnes salariées doivent se présenter au travail conformément aux conditions de travail qui leur sont applicables », a-t-elle souligné derechef sur son site Internet, souhaitant que le parachèvement de la session d’hiver puisse se dérouler sans entrave.

Radio Canada

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 16:04

Pour réaliser en Espagne son projet d’EuroVegas - un gigantesque complexe dédié au jeu - le milliardaire américain Sheldon Adelson a transmis aux autorités espagnoles sa liste d’exigences : exemption de la TVA, des impôts sur le jeu, des cotisations sociales, réforme du code du travail, régime légal dérogatoire durant 30 ans, subventions européennes, don des terrains, autorisation de jeu pour les mineurs, autorisation de fumer dans les bâtiments, etc ... Le cynisme brutal du promoteur de cette zone de non droit - que se disputent aujourd’hui Madrid et Barcelone, donne la mesure de ce qu’ont abandonné les nations européennes en se mettant à la merci des marchés et des fortunes privées : non seulement leur souveraineté, mais aussi leur dignité.

 

15 milliards d’euros d’investissements, 260 000 emplois directs et indirects créés : tel est le deal que fait miroiter aux régions de Barcelone et de Madrid Sheldon Adelson, 16e fortune mondiale avec un patrimoine estimé à plus de 21 milliards de dollars et par ailleurs président et actionnaire principal de la société Las Vegas Sands, « l’empire du jeu ».arton3232.jpg

Son projet ? Créer en Espagne une « zone de jeu » identique à celles qu’il a déjà implantées au Nevada, à Singapour et à Macao : 6 casinos, 18 000 machines à sous, 3 terrains de golf, des théâtres et des cinémas, une douzaine d’hôtels, des centres commerciaux... bref, toute l’apparence d’un « paradis » dans un pays où le chômage atteint des records (plus de 20 % de la population active), où la récession frappera dur en 2012 et 2013, où la crise immobilière, née d’une spéculation sur le prix des biens et de conditions de prêts immobiliers délirantes (emprunts jusqu’à 50 ans), paupérise à vitesse grand V les classes moyennes qui ont eu la mauvaise idée d’acheter pour se loger.

Comme au football, Madrid et Barcelone, rivales traditionnelles, se disputent les faveurs du groupe Las Vegas Sands pour que ce complexe de jeu s’installe sur leur territoire. Et, comme au football où le Real et le Barça sont prêts à payer des sommes extravagantes pour attirer les meilleurs joueurs du monde, les deux villes sont prêtes à toutes les concessions pour convaincre Las Vegas Sands de les favoriser de son choix.

Toutes les concessions ? Jugez-en plutôt. Réparties en 5 thèmes par le journal espagnol El Pais qui a eu accès aux documents de travail des négociations en cours, cette longue liste donne une idée du rapport de forces qui s’est désormais établi entre puissance privée et (im)puissance publique :

1. Droit du travail

● Modification du Code du travail afin d’assouplir « la rigidité des conventions collectives », notamment dans les secteurs présents dans le complexe de casinos (hôtellerie, restauration, jeu, commerces...) ;

● Réduction du temps nécessaire pour admettre des travailleurs étrangers (hors UE) en Espagne, via la création d’un régime spécial qui accélèrera la délivrance d’un permis de travail ;

● Exemption totale pendant deux ans des cotisations de Sécurité sociale, puis 50 % de remise les trois années suivantes. À compter de la 5e année, les travailleurs non espagnols pourront être rattachés au régime social de leur pays d’origine ;

● Création d’un MBA spécialisé dans l’industrie du jeu ;

● Appui du gouvernement à une demande de subvention d’aide à l’emploi de plus de 25 millions d’euros auprès de la Banque européenne d’investissement ;

● Financement par les autorités publiques de 60 % des frais de formation des employés recrutés par Las Vegas Sands ;

● Perception par Las Vegas Sands de subventions pour l’emploi, tant en ce qui concerne les emplois directs qu’indirects créés durant la construction du complexe.

2. Infrastructures

● Prise en charge par les autorités espagnoles de la construction d’une nouvelle station de métro, d’une interconnexion avec le TGV, de nouvelles lignes d’autobus, de nouvelles routes et autoroutes...

● Autorisation des vols en hélicoptère entre l’aéroport et le complexe de jeux, construction d’un ou plusieurs héliports dans le complexe ;

● Suppression ou enfouissement des infrastructures de gaz, d’eau et d’électricité, renforcement des services d’urgence (pompiers, ambulances, etc.) dans le complexe...

3. Urbanisme

● Cession gratuite, à Las Vegas Sands, de toutes les terres que les autorités publiques possèdent dans la zone ;

● Expropriation des terres privées de la zone afin que Las Vegas Sands en prenne rapidement possession ;

● Suppression des règles d’urbanisme, y compris des critères de construction, afin que Las Vegas Sands ait toute latitude pour construire.

4. Réglementation

● Vote d’une loi spécifique, ne pouvant être modifiée pendant au moins 30 ans, déclarant le projet d’intérêt général, créant un régime dérogatoire en ce qui concerne le jeu et le commerce, supprimant les limites aux investissements étrangers dans les casinos ainsi que la nécessité d’une autorisation préalable si plus de 5 % du capital social change de mains ;

● Autorisation d’accès aux casinos pour les mineurs, les majeurs incapables et les interdits de jeu ;

● Modification de la loi sur le blanchiment d’argent avec, notamment, autorisation de transférer les fonds sans limites ;

● Autorisation, pour les casinos, d’accorder des prêts aux joueurs, suppression des interdictions publicitaires concernant le jeu, modification de la législation sur les dettes de jeu qui réserve actuellement l’exécution des sanctions à la seule justice civile, légalisation du système d’intermédiaires et de « rabatteurs » incitant les joueurs potentiels à se rendre au complexe ;

● Homologation automatique des jeux déjà autorisés dans d’autres pays de l’Union européenne ou aux États-Unis, autorisation donnée à Las Vegas Sands pour approuver de nouveaux jeux et traiter des questions administratives afférentes ;

● Création d’une commission des jeux, formée de membres du gouvernement régional et d’« experts indépendants » ;

● Autorisation de fumer dans les espaces clos à l’intérieur du complexe, liberté totale des horaires dans tous les commerces.

5. Fiscalité

● Remboursement de la TVA aux entreprises du complexe, statut de « zone franche » (donc, pas de paiement de TVA ni de taxes) pour les joueurs extra-communautaires ;

● Suppression des taxes et simplification des procédures pour tous les produits importés qui rentrent dans le complexe ;

● Modification des règles fiscales d’amortissement, de déduction du résultat fiscal, d’imposition des non-résidents et des impatriés ;

● Exemption pendant 10 ans de la taxe sur les jeux ;

● Réduction de 95 % de l’impôt sur les transmissions patrimoniales, ainsi que des impôts fonciers ;

● Réduction de 50 % de l’impôt sur les activités économiques ;

● Négociation préalable et obligatoire avec Las Vegas Sands avant toute entrée en vigueur de nouvelles taxes.

Pour effarantes qu’elles paraissent, les prétentions de Las Vegas Sands n’en sont pas moins, dans leur globalité, accueillies avec bienveillance tant à Madrid qu’à Barcelone. Les représentants d’Adelson n’ont d’ailleurs pas caché qu’ils donneraient la préférence à la ville qui leur ferait le plus de concessions, d’où la déclaration de la présidente de la région de Madrid : « s’il faut effectuer des modifications légales qui sont en accord avec mes principes, elles se feront. »

Cet accord en voie de conclusion entre une TGE (très grande entreprise) et les responsables politiques d’une région et d’un État illustre parfaitement le transfert de pouvoirs et compétences des autorités publiques vers les TGE que nous avons analysé dans plusieurs billets. On y retrouve en effet la plupart des caractéristiques de la décadence des États-nations :

● remplacement de la loi par le contrat, lequel acquiert ainsi une force supra-législative, au mépris absolu de la pyramide des normes juridiques qui, de la Constitution au simple arrêté municipal, sert de fondement à tout notre système juridique ;

● « liquéfaction » complète des individus, coupés de leurs racines culturelles et nationales : Las Vegas Sands ne dissimule même pas son intention d’aller chercher des employés dans des pays à très bas salaires et sans protection sociale et de les transposer « tels quels » en plein milieu de l’Europe, des pions que l’on déplace sur un échiquier planétaire, et que l’on remplacera dès que les signes d’usure apparaîtront ;

● création d’une zone de « non-droit », ou plutôt d’une zone placée sous la quasi-juridiction d’une TGE. Nous y voyons là l’indicateur d’une évolution dont nous avons tracé les contours dans Après le capitalisme : la primauté de la force : des entreprises privées prennent de facto le contrôle par la force d’une zone géographique. Nous n’en sommes plus très loin : la présence de la milice privée qui assurera demain l’ordre dans la zone des casinos sera la confirmation, s’il en était besoin, de la confiscation des prérogatives publiques qui est en train de s’opérer en Espagne.

Il est de surcroît significatif que ce « déshabillage » de l’État-nation s’opère au profit d’une activité - le jeu - qui n’apporte aucune valeur ajoutée à la collectivité. Nous retrouvons ici - pardonnez les références multiples à cette période - une caractéristique de la chute de l’Empire romain : quand le système s’effondre, il faut bien occuper la plèbe et détourner son attention de la gravité de la situation, que ce soit en multipliant les jeux du cirque ou les bandits manchots.

On aurait pu à la rigueur comprendre que des avantages du type de ceux exigés par Las Vegas Sands soient accordés pour bâtir une Silicon Valley européenne qui aurait eu pour objectif d’attirer chercheurs et entreprises high tech du monde entier. Mais il ne s’agit ici que de recréer un ersatz de Circus maximus, un monde d’illusions et d’oubli de la réalité.

Le précédent espagnol pourrait bien faire des émules : selon nous, le jour n’est pas très éloigné où, sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne, on installera une « zone franche » où des entreprises de type Foxconn implanteront leurs usines dans le cadre d’un contrat qui se résumera à : « nous ne payons pas d’impôts, nous faisons la loi et nous maintenons l’ordre selon nos critères à l’intérieur de la zone, remerciez-nous de proposer un peu de travail à vos nationaux, mais à nos conditions »... celles du contrat de servage du XXIe siècle.

Sur le web :

El Païs : Leyes a medida para la capital del juego (liste des exigences)

El Païs : El Gobierno acepta estudiar la lista de exigencias para construir Eurovegas

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28 mars 2012 3 28 /03 /mars /2012 16:37

Nabil Sebti est le jeune Marocain de 25 ans engagé comme porte parole du Collectif du 31 mai en opposition à la circulaire Guéant. Par orgueil, parce qu’il a refusé de se laisser régulariser comme on se fait acheter, il est retourné dans sa famille, à Casablanca. Retour sur une aventure hors du commun.

 

Après avoir passé près de huit ans en France, 3 ans de classes prépas puis 4 ans à l’école de commerce parisienne HEC, créé deux entreprises, un cabinet de conseil et une start-up spécialisée dans les applications pour les sorties culturelles, Nabil Sebti est rentré au Maroc début décembre 2011. Un retour précipité par la circulaire Guéant dont il est l’une des nombreuses victimes. Lacirculaire controversée émise en mai 2011 limitait drastiquement l’embauche  des

étudiants étrangers à un travail en France.

 

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Diplômé d’HEC et clandestin Par Hanane Jazouani

 

Des étudiants étrangers, dont Nabil, créent alors le Collectif du 31 mai , en septembre 2011, pour demander le retrait pur et simple de la circulaire. Nabil et ses compagnons mettent sur pied une stratégie de communication ingénieuse. Tout ce que ces étudiants ont appris en matière de communication dans les bancs des grandes écoles et des universités françaises va très vite se retourner, comme un effet boomerang, contre le gouvernement français.

« Si on se présente comme étranger et qu’on dit que nos droits sont bafoués, on ne trouvera jamais d’échos auprès de la presse. Par contre, si on joue sur l’affect et l’émotion, on a plus de chance. J’axe donc mon discours lors de mes interventions médiatiques sur « j’ai fait HEC et je suis clandestin », parce que dans la tête d’un français lambda, c’est une relation impossible. Il se dit qu’il y a un souci quelque part, que ce n’est pas logique et par conséquent ça l’émeut », explique-t-il. C’est ainsi que le jeune homme devient le porte-parole du Collectif du 31 mai.

Cette stratégie de communication porte très vite ses fruits. Le combat du Collectif fait les gros titres dans la presse française et internationale. Pour Nabil, viennent les invitations aux émissions de TV. Il se rend également dans les grandes institutions parisiennes. « On a été reçu à l’Elysée par le Conseiller de Nicolas Sarkozy à la recherche et par l’adjoint de son cabinet. D’ailleurs pour l’anecdote, lorsque je suis rentré à l’Elysée, c’était avec un titre de séjour périmé, à l’Assemblée Nationale et au Sénat aussi ! », s’amuse-t-il en écrasant une fin de cigarette dans le cendrier.

Le Voltaire marocain

Sous l’ironie, Nabil dévoile son amour pour la France et sa démocratie. Il cite tantôt Albert Camus, tantôt Voltaire. « Je le dis souvent à mes amis français, la richesse que vous avez, ce n’est pas vos bâtiments mais votre liberté d’expression et moi aujourd’hui j’en jouis », ajoute-t-il en rallumant une autre cigarette. Cette France pour laquelle il a une admiration incommensurable va lui fermer la porte au nez.

Il quitte le pays non pas par obligation mais par fierté. « Un jour la préfecture du 6e arrondissement m’appelle. On me dit « Bonjour M. Sebti, je vous appelle suite à votre demande de statut, j’aimerais qu’on fixe un rendez-vous ». La personne finit par m’avouer qu’elle a reçu des instructions ministérielles pour régulariser ma situation. Je lui mens en lui disant que j’ai décidé de rentrer définitivement chez moi et que j’ai déjà pris mon billet d’avion », explique Nabil.

Le jeune homme n’a pas d’autre choix que de précipiter son retour vers le Maroc. « Oui c’est vrai, il y a de la fierté dedans ! », lâche-t-il. « Du moment où j’acceptais cette régularisation, c’est comme si je me mentais à moi-même et à tous les diplômés étrangers que je représentais dans le collectif. 

Ce qu’il a surtout du mal à digérer c’est d’avoir été formé dans un pays inculquant à ces étudiants des valeurs fondamentales comme le respect et la dignité et qu’au final, ce pays ne lui donne même pas la chance de faire valoir ses diplômes et ses compétences. Pourtant HEC a transformé sa manière de voir le monde. « Le jour où tu poses tes fesses sur les bancs d’HEC, on te forme pour changer le monde et à devenir un leader », raconte-t-il avec une petite étincelle dans les yeux.

 Case départ

Nabil a également du mal à comprendre le silence des autorités marocaines qui ne se sont jamais exprimées sur la circulaire Guéant. Elles n’ont jamais encouragé non plus le retour de ces jeunes cerveaux marocains au pays. « La moindre des choses, c’est de demander que l’on revienne », estime-t-il.

Aujourd’hui, Nabil Sebti habite chez ses parents pas très loin du Boulevard Massira à Casablanca. Il avoue parler rarement de son choix de retour avec ses parents, un sujet sensible à la maison. Il n’a pour le moment aucun revenu mais a une incroyable confiance en lui. Il pense à l’avenir faire montre de ses talents d’entrepreneurs.

Depuis son arrivée au pays, ses parents lui ont donné une somme de 2000 dirhams pour circuler et se payer sa bière au café la Cigale. Il n’a pas accepté plus. « Il faut que je reconstruise tout depuis le zéro pour payer mes dettes car j’ai un prêt d’étudiant à rembourser et c’est beaucoup d’argent. C’est vrai je n’ai jamais manqué de rien dans ma vie ; mes parents gagnent bien leur vie mais pas suffisamment pour payer les frais d’une scolarité à HEC et en plus celles de mon petit frère et petite sœur », déclare-t-il, en desserrant sa cravate.

Aujourd’hui, Nabil est régulièrement invité à prendre la parole pour raconter son parcours dans les grandes écoles marocaines et dans des conférences. Il rencontre beaucoup de monde, mais n’a pas de petite amie. « Les filles, ça n’a jamais été une priorité. Surtout au Maroc, c’est encore plus difficile de s’engager », lâche-t-il. L’entretien est soudainement interrompu par un SMS qu’il vient de recevoir. Il s’agit de sa mère qui s’inquiète de ne pas le voir rentrer et de le presser de rentrer pour le déjeuner

 

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 13:42
Dans le quotidien britannique The Independent, le chroniqueur Adrian Hamilton estime, sans nuances, que "la France est un pays profondément raciste, et Toulouse ne fera qu'empirer les choses".

 

En conclusion Hamilton évoque le massacre d'Anders Breivik en Norvège (plus de 90 morts) l'été dernier. Il estime que médias et hommes politiques ont su rassembler la Norvège dans un moment de deuil solennel, et rappelle que Sarkozy a régulièrement mis en cause l'immigration avant l'affaire de Toulouse. "Sarkozy a la possibilité de faire de même, s'il voulait faire marche arrière, et incarner la voix de la France comme le Président Clinton l'a fait aux USA après l'attentat d'Oklahoma. Mais personne ne pense que Sarkozy le fera. Les tentations électorales sont trop fortes."

"A peine Mohammed Merah a-t-il sauté par la fenêtre de sa salle de bains à Toulouse hier, en tirant avec son pistolet, que les politiciens et les experts tentent d'analyser l'impact que cela aura pour le Président et les autres candidats de la prochaine élection, constate Hamilton. C'est inconvenant. C'est obscène. (...) Et bien sûr cela va peser sur l'élection."

"Il y a deux jours on pensait que le tireur était un homme d'extrême droite, sans doute un ancien soldat, qui voulait prendre sa revanche sur les Musulmans, les Noirs et les Juifs. Il semblait alors que le perdant était Marine Le Pen."

"Maintenant que l'assassin est désigné comme un Musulman qui revendique des connexions avec Al-Quaïda, tout a changé. Maintenant c'est Le Pen qui passe à nouveau à l'offensive en appelant à faire la guerre contre les fondamentalistes politico-religieux qui tuent nos enfants chrétiens, et Sarkozy fonce à droite toute, pour essayer de récupérer."

"Sur fond de déclarations publiques appelant à l'unité nationale ces jours-ci, la France demeure un pays profondément raciste. La menace d'une terreur islamique a permis aux Français de transférer leurs ressentiments de la population juive à la population arabe. Mais c'est exactement la même chose."

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21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 13:08

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Un haut fonctionnaire français a invité , le 19 mars 2012, des journalistes arabes basés à Paris pour leur révéler la bataille qui se livre actuellement au sein du gouvernement français en général et du Quai d’Orsay en particulier à propos de la Syrie.

Selon cette personnalité, l’ambassadeur de France à Damas, Éric Chevallier, dont l’ambassade vient d’être fermée et qui est rentré à Paris, a pris à partie son ministre devant ses collègues. Il a accusé Alain Juppé de ne pas avoir tenu compte de ses rapports et d’avoir falsifié les synthèses pour provoquer une guerre contre la Syrie.

Au début des événements, en mars 2011, le Quai avait dépêché des enquêteurs à Deraa pour savoir ce qui s’y passait. Leur rapport, transmis à Paris, indiquait qu’après quelques manifestations, la tension était retombée, en contradiction avec les reportages d’Al-Jazeera et deFrance24 qui indiquaient à l’inverse que la ville était à feu et à sang. L’ambassadeur demanda la prolongation de la mission pour suivre l’évolution des événements. Furieux de ce premier rapport, le ministre des Affaires étrangères lui téléphona pour exiger qu’il le modifie et fasse état d’une répression sanglante. L’ambassadeur plaça alors le chef de mission à Deraa en conférence téléphonique avec le ministre pour lui redire qu’il n’y avait pas de répression sanglante. Le ministre menaça l’ambassadeur et la conversation se termina de manière glaciale.

Immédiatement après, le cabinet d’Alain Juppé fit pression sur l’AFP pour qu’elle publie des dépêches mensongères confortant la vision du ministre.

Durant les mois qui suivirent, les incidents opposant Éric Chevallier et Alain Juppé ne cessèrent de se multiplier, jusqu’à l’affaire des otages iraniens et la mort du « journaliste » Gilles Jacquier. À cette occasion, l’ambassadeur reçu l’ordre d’exfiltrer les agents de la DGSE travaillant sous couverture de presse. Il réalisa l’importance de l’action secrète entreprise par Alain Juppé [1].

Ancien ministre de la Défense, Alain Juppé a semble t-il conservé de solides amitiés au sein des services militaires dont certains agents lui restent dévoués.

La même source assure que des rapports de l’ambassadeur auraient été négligés ou falsifiés et que celui-ci, pour étayer ses dires, aurait fait parvenir au Quai des rapports d’homologues européens attestant tous que la Syrie n’est pas confrontée à un cycle de manifestations/répression, mais à une déstabilisation par des groupes armés venus de l’étranger. À son arrivée à Paris, Éric Chevallier aurait demandé une enquête administrative interne pour confondre son propre ministre.

Ces révélations en appelant d’autres, un autre haut fonctionnaire a révélé qu’Alain Juppé n’est pas seulement en conflit avec son administration, mais aussi avec ses collègues de l’Intérieur et de la Défense. Claude Guéant et Gérard Longuet auraient non seulement négocié avec le général Assef Chawkat l’exfiltration des agents français présents dans l’Émirat islamique de Baba Amr, comme leRéseau Voltaire l’a relaté [2], mais aussi la libération de trois commandos français détenus par la Syrie [3].

Dimanche 18 mars, le quotidien pro-syrien Ad-Diyar, édité à Beyrouth, a confirmé que trois prisonniers français ont été remis au chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Édouard Guillaud, lors d’un déplacement au Liban, prétendument effectué à l’occasion de la réorganisation du contingent français de la FINUL. Selon une source syrienne de haut niveau, l’amiral aurait en échange personnellement veillé au complet démantèlement de la base arrière que les services militaires français avaient installée au Liban.

Le conflit entre l’ambassadeur Chevallier et le ministre Juppé est connu depuis longtemps. Le 4 avril 2011, le journal électronique Rue89 avait publié un article attribué à un auteur franco-syrien anonyme [4]. On pouvait y lire que l’ambassadeur « se serait fait le porte-parole du régime, prétendant que les révoltes de Daraa et Lattaquié sont manipulées depuis l’étranger et que les médias mentent sur la réalité ». Dix jours plus tard, c’était au tour de Georges Malbrunot d’affirmer sur son blog du Figaroque l’ambassadeur « est complètement basharisé » [5]. Enfin, le 5 mai, France24, la chaîne placée sous la tutelle d’Alain Juppé, avait accusé l’ambassadeur de « minimiser la révolte » [6]

Le conflit entre le chef d’état-major des armées et Alain Juppé est également connu depuis longtemps. L’amiral Edouard Guillaud n’avait pas apprécié qu’Alain Juppé, alors ministre de la Défense, planifie à l’avance le renversement de Mouammar el-Kadhafi. Avec le discret soutien de son nouveau ministre de tutelle Gérard Longuet, il avait fait savoir publiquement son désaccord lorsqu’il avait reçu instruction de mobiliser les forces françaises contre la Libye.

Quant aux relations Guéant-Juppé, elles sont notoirement exécrables. On se souvient qu’avec l’arrogance qu’on lui connaît Alain Juppé avait posé comme condition pour son entrée au gouvernement Fillon que Claude Guéant quitte le secrétariat général de l’Élysée parce qu’il ne voulait pas avoir à lui parler.

Après l’accord survenu entre Washington, Londres et Moscou pour calmer le jeu en Syrie, Alain Juppé peut toujours compter sur l’appui d’Ankara, de Riyad et de Doha, ainsi que sur les principaux médias, mais se trouve isolé en France et privé des moyens nécessaires à sa politique … à moins, bien sûr, que le président Sarkozy ne pousse à la guerre pour faire remonter dans les sondages le candidat Sarkozy.

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