L’entre-deux tours des municipales de 2014, lancera de délicates négociations sur l’éventuelle fusion des listes, dont l’issue sur le plan local comme national sera cruciale, plus particulierement pour l’avenir du Front de gauche…
Au soir du 23 Mars, les résultats à peine connus, un seul sujet hantera les listes encore en présente : quelles alliances pour le second tour ?
Les négociations devront s’engager rapidement car la date limite pour déposer les listes est fixée au mardi 25 à 18 heures. Autant dire que la nuit du lundi va être longue pour certain cas.
• Les élections municipales bénéficient d’une législation particulière assez favorable à l’expression démocratique. Les listes ayant obtenues plus de 10% des votants ont la possibilité de se maintenir ou de fusionner. Celles qui ont recueilli entre 5 et 10%, ont le droit de fusionner, mais pas de se maintenir. Dit autrement, si vous avez réalisé 7%, vous ne pouvez être présent au second tour qu’en ayant passé un accord avec une liste qui a réalisé plus de 10% des suffrages au premier. Légalement, la décision de fusionner ou non, et la composition d’une nouvelle liste est du ressort des seules têtes de listes.
• La liste arrivée en tête au second tour empoche automatiquement la moitié plus un des élus : c’est ce qu’on appelle la prime majoritaire. Le reste des élus est réparti à la proportionnelle entre toutes les listes en présence, y compris donc, celle qui a gagné. Exemple, une commune devant pourvoir 41 conseillers municipaux et qui connaît une situation de triangulaire avec pour résultats 40%, 35% et 25% attribuera 29 (21 + 8) conseillers à la liste en tête, 7 à celle ayant obtenu 35% et 5 à la troisième liste. Il s’agit donc d’une proportionnelle toute relative, et l’enjeu de terminer en tête est absolument décisif.
Traditionnellement, au second tour, le rassemblement s’opère suivant la bipolarisation droite/gauche à laquelle vient éventuellement s’ajouter comme troisième protagoniste le Front national. Ce sera à n’en pas douter l’écrasante majorité des cas de triangulaires de l’entre-deux tours. À gauche, fusionner pour battre la droite et l’extrême droite est le réflexe classique. Mais une fois la règle générale énoncée, il convient d’en définir les modalités et les exceptions.
La première interrogation essentielle portera sur la nature même de l’accord. S’agit-il d’un accord de gestion politique de la ville ou d’une simple fusion "technique". Dans le premier cas, il faudra trouver un point d’équilibre programmatique, se poser la question de la répartition des adjoints avec un principe intangible : le vote du budget comme ligne rouge à ne pas franchir entre partenaires. Dans la seconde hypothèse, face à un adversaire commun, les forces de gauche peuvent se rassembler, mais sans solidarité politique de gestion.
Le Parti socialiste, EELV et le PCF sont en général favorables au premier cas de figure. Pour ces élections et compte tenu de la politique gouvernementale, le Parti de gauche et Ensemble défendront l’autre solution. Pour le NPA et LO, la position adoptée pour ces élections municipales est plus simple : pas de fusion avec le PS.
Il faut ajouter que pour fusionner, il faut être deux et, souvent, c’est le Parti Socialiste qui refusera cette possibilité. À Lyon, le maire Gérard Collomb a déjà annoncé qu’il refuserait de fusionner avec la liste FdG-Gram (une scission locale du PS), et à Paris, si l’accord avec EELV ne fait pas de doute, les tractations avec la liste FdG de Danielle Simonnet sont, eux, hautement aléatoires. Car passer un accord de second tour pose bien des problèmes. Cela suppose de faire de la place sur la liste aux nouveaux venus et donc de toucher à la composition initiale – parfois fruit d’un compromis âprement obtenu. A contrario, refuser une fusion, c’est prendre le risque que les éconduits le fassent savoir et n’appellent pas à voter pour la liste restée en lice. En réalité, seul le rapport de forces issus des urnes déterminera la position de nombre de listes.
On l’a compris, il n’existe pas de règles bien établies pour ce deuxième tour. La logique voudrait, par exemple, que la composition des listes du second tour respecte scrupuleusement les résultats du premier tour. Cette approche, à la proportionnelle du poids réel de chacun, est souvent combattue.
Ce deuxième tour pourrait constituer une longue épreuve pour le Front de gauche. Aux divergences d’approche sur la gestion municipale s’ajoute une situation très fragmentée. Dans la moitié des villes de plus de 20.000 habitants, le Parti communiste a fait le choix d’un accord de premier tour avec le Parti socialiste. Dans la plupart de ces villes existe donc une seconde liste de gauche qui rassemble les autres composantes du FdG. L’entre-deux tours peut donc être le moment de la réunification de toutes les forces du FdG au sein d’une seule et même liste. Après des mois de vies séparés, parfois de confrontations, sonnerait l’heure des retrouvailles heureuses. Voilà pour l’approche optimiste, celle du happy end.
L’autre solution envisageable est que dans un nombre significatif de villes, la division initiale perdure. Soit qu’au second tour les différentes forces soient sur des listes concurrentes – ce qui est à peu près assuré dans des villes comme Clermont-Ferrand, Grenoble ou Rennes –, soit pire encore parce que la fusion n’aura pas eu lieu. Dans ce cas, c’est l’unité même du Front de gauche qui serait en jeu.